Uncategorized

La modélisation du développement

Mohamed Ouzzine

En guise de rappel uniquement et non de définition, la « modélisation »consiste à appréhender les niveaux, les angles et de les approches dans le but de sonder, de toucher et de clarifier tous les aspects relatifs à un modèle particulier. La prise en considération de ce concept récent dans sa relation avec le développement est une question qui a préoccupé l’humanité depuis longtemps, dans son long processus et dans sa recherche incessante d’un modèle de développement viable, selon sa représentation du monde et du bien-être à travers les âges.

Peut-être que les dénominations diffèrent, mais l’essence a préservé la même aspiration et la même ambition, puisque le rêve du développement a toujours préoccupé l’homme depuis qu’il existe.

Dans son ouvrage « La République », Platon, le philosophe grec, a tenté de présenter les premières prémisses d’un travail intellectuel relatif à un modèle de développement idéal qu’il a réduit dans sa « république idéale », où l’Etat ressemble à ses fils et où il n’y a aucune ambition de mettre à niveau l’Etat sans la mise à niveau ses fils, à travers ce qu’il a appelé l’Etat juste et l’instauration de la loi afin de traiterdes aspects sociaux, économiques, éducatifs et religieux.

Par la suite, le philosophe arabe Abou Nasr Al-Farabi, dans une manifestation patente de son influence par la pensée des philosophes grecs, a présenté son concept à travers ses deux ouvrages « Leshabitants de la cité idéale » et « La conquête du bonheur ». Le philosophe musulman y considère que l’essence de la cité idéale réside dans le besoin qu’éprouve l’Hommeà la coopération et à la complémentarité et que le bonheur est la finalité de la perfection humaine et l’a conditionnépar la connaissance et par le fait d’œuvre àla réaliser et ce, en optantpour les choix les plus efficaces dans tous les aspects de la vie.

A l’image des religions divines qui ont promis le paradis à leurs justes adeptes, l’homme a tenté de représenter le monde paradisiaque sur terre. La première tentative de rapprocher ce monde de l’esprit serait à mettre à l’actif de l’écrivain britannique Thomas More « Utopia », qui est une île et qui est l’une des « meilleures républiques » qui nous renvoie vers un domaine idéal et une vie idéale. L’auteur d’« Utopia » n’est pas exempt,à son tour, de l’influence des descriptions idéalistes et mythologiques des penseurs et philosophes grecs,à travers sa description d’un territoire de vie typique, comme indiqué dans l’épopée « Odyssée » d’Homère où il a décrit les jardins d’Alcinoos avec leurs fruits éternels, les jardins de Calypso à la beauté paradisiaque et les « Îles des bienheureux » du poète grec Pindare.

Autant d’images et de scènes présentées par des sommités de la pensée humaine et qui reflètent une lutte intellectuelle et une aspiration à une réalité typique, basée sur le bien-être. Mais, en même temps, elles constituent un aveu implicite que ce modèle est impossible, car l’utopie, linguistiquement, symbolise un lieu qui n’existe pas (nulle part), c’est une présence absente et une fausse vérité.

Avec le processus du développement scientifique et du progrès industriel, des espoirs sont ressuscités quant à la possibilité de réaliser un modèle de développement “utopique”, tel que prêché par la première génération de philosophes et de penseurs. Mais le cauchemar des guerres et des épidémies et la tyrannie des régimes autoritaires ont fait dissiper rapidement ces espoirs.

Cela a entrouvert la voie à l’émergence d’un autre genre littéraire qui a remplacé le monde idéal « Utopia » par son contraire de « Dystopie », c’est-à-dire le monde non-idéal.

Le premier fruit de ce genre littéraire a étél’ouvrage de l’auteur irlandais Jonathan Swift, à savoir son célèbre roman « Gulliver’sTravels ». En effet, au cours de ses voyages, Gulliver a rencontré des sociétés imaginaires qui ont impressionné l’œil par leur apparence, mais dont les lacunes et les faiblesses sont rapidement dévoilées. L’île de Laputa,volant dans le ciel, serait l’une de ces remarquablessociétés, dont les concepteurs ont focalisé sur ses formes géométriques impressionnantes et inutiles, maisont ignoré, en revanche, les besoins urgents et essentiels des humains qui sont sur la terre.

Au début du deuxième millénaire, et au gré del’exploitation de la technologie dans les usines et les chaînes de production, la classe ouvrière a aspiréà un meilleur modèle,mais elle s’est vite retrouvée prisonnière des usines et des bidonvilles en raison de la domination des propriétaires d’usines et de la classe capitaliste qui contrôlaient le sort des catégories des salariés et de la main d’œuvre écrasée .

Cette situation a été dépeinte à l’époquepar un groupe d’intellectuels, à travers de nombreuses œuvres quisont toujours pionnières aujourd’hui. Ainsi, l’écrivain anglais H.G. Wells, dans son ouvrage “The Time Machine”, prédit d’une manière cynique un avenir sombre de l’humanité, à travers l’écart de classesqui sépare les riches des pauvres. Le romancier anglais Aldous Huxley, à travers son merveilleux ouvrage “Brave New World », abordele « coût exorbitant du bonheur » et présente une image d’un monde idéal, où tout un chacun jouit de bien-être et de bonheur, mais au détriment de l’absence de l’élément humain. C’est un monde où les gens ne connaissent pas le malheur. « Comment peuvent-ils se sentir heureux, alors qu’ils ne connaissent aucunement la misère ? », comme l’a clamé “Wild John”, l’un des personnages du roman, qui a refusé de vivre dans le monde idéal de Huxley.

Après la première guerre mondiale, des mouvements révolutionnaires et de libération ont pris le pouvoir. Ils se sont proclamés comme une alternative et se sontengagés à éliminer toutes les distorsions sociales. Cependant, comme si l’histoire se répétait, la classe ouvrière s’est retrouvée prisonnièrede régimes totalitaires qui ont resserré leur emprise sur les masses qui ont militéen faveur de ces mouvements et en faveur duchangement pour leur permettre d’accéder au pouvoir. Les rêves, espoirs et ses aspirations de toute une génération qui a cru dans le changement ont été laminés.

Une fois de plus, une nouvelle génération de penseurs a émergé et ont exprimé la déception des peuples et incarné cette déception dans leurs ouvrages. Le plus notable d’entre eux est l’écrivain russe Eugéne Zamiatine dans son ouvrage « We ». Il s’agit d’une nouvelle dystopieoù l’écrivain a exprimé sa déception des fruits de la révolution d’octobre (la révolution bolchevique de 1917) à laquelle Zamiatine a pris part et dont il a porté les rêves, avant qu’il ne soit confronté par la suiteà la censure de ses idées et à la confiscation de ses ouvrages.

Bien que l’ouvrage« We » ait été interditdans l’ancienne Union soviétique, cela n’a pas empêché d’autres penseurs dans d’autres paysde s’inspirerdes idées del’écrivain russe. Cela transparait clairement dans les ouvrages du romancier britannique George Orwell, tels “Animal Farm”, qui est un ouvrage satirique qui critique le système soviétique de l’époque et rejette catégoriquement la penséecommuniste et la marée radicale dominante. Dans son célèbre roman intitulé “1984”, le même auteur mettra en garde de nouveau contre l’absence de justice sociale et l’horreur des régimes totalitaires.

Il s’agit d’un voyage à travers l’histoire de l’humanité et d’un inventaire des stations les plus importantes qui ont marqué la lutte de la pensée en faveur du bien-être et d’une vie décente. C’est la recherche constante du meilleur et l’aspiration vers un modèle de développement qui englobe tout le monde. De Platon à aujourd’hui, la même question demeure et la même ruéevers le modèle le plus efficace. Les mots, les visions et les perceptions diffèrent peut-être, mais la quintessence de la question reste inchangée.

L’homme a combattu le temps et la durée, mené des batailles pour la survie, démontré qu’il était le plus apte, mené des révolutions qu’il a découvertes qu’ils n’étaient pas toujours en faveur de son existence : il a combattu la famine, les épidémies, l’injustice et la tyrannie, comme s’il était dans une guerre éternelle qui le poussait à chaque fois à découvrir, sinon à se créer un nouvel ennemi. Aujourd’hui, il « combat » le climat pour se retrouver face à un ennemi qui l’a soumis et vaincu : c’est l’épidémie.

En conséquence, quel serait le modèle de développement qui serait efficace aujourd’hui ? Un nouveau modèle ? ou renouvelé ?La Commission spéciale du modèle de développement a suspendu ses consultations directes et lancé sa plateforme numérique participative. En fait, le plus grand et le plus important axe du travail de la commission aujourd’hui est l’épidémie. La commission devrait être à son écouter et mener ses travaux à la lumière de ses données. Il impose à la commission d’adopter une mentalité post-pandémie. En d’autres termes, réorganiser les priorités : santé, éducation, l’économie solidaire pour atténuer les dégâts sociaux qui s’aggravent durant les crises et les comités de veille concernés. Les délais sont secondaires en comparaison avec la consistance du contenu.

C’est l’histoire d’un homme qui a survécu à la noyade et qui s’est retrouvé seul sur une île déserte, cherchant à s’y acclimater avec sa solitude et y construisant une cabane pour se protéger des rayons du soleil. Un jour, sa cabane a été brûlée à cause du feu sur lequel il cuisinait. Il s’était mis alors à pleurer et à regretter sa malchance jusqu’à ce qu’il s’endorme triste et affamé. Le lendemain, il se réveilla à l’approche d’un navire de l’île. Lorsqu’on lui avait demandé comment il futre trouvé, la réponse a été la fumée du feu qui s’est déclaré dans sa cabane. C’est l’origine du vieux dicton :A tout quelque chose malheur est bon.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page