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Dans une interview pour le quotidien « Al Akhbar » : M. Laenser souligné que le Parti de la Justice et du Développement adopte une politique libérale au sein du gouvernement

– Il a souligné que les élections auront lieu à la date fixée en 2021

– Le parti du Mouvement Populaire appelle à une révision du mode de scrutin de liste et à la tenue des élections en une seule journée

Interview réalisée par Mohamed Lyoubi:

Mohand Laenser, Secrétaire général du parti du Mouvement Populaire, est le plus ancien secrétaire général d’un parti politique au Maroc, après avoir passé 34 ans à la tête du parti et occupé plusieurs postes gouvernementaux. A travers cette interview avec le quotidien « Al Akhbar »,M. Laenser révèle les coulisses des consultations en cours entre le ministre de l’Intérieur et les dirigeants des partis politiques au sujet des prochaines échéances électorales. Il passe également en revue les conditions du parti pour la formation de ses futures alliances, en plus de la situation interne de la majorité gouvernementale, ainsi que sa position à l’égard de plusieurs questions, à la tête desquelles l’activation de l’officialisation de la langue et de la culture amazighes et l’évaluation de l’expérience des premiers conseils des régions dans leur nouvelle formule, en tant que président de l’Association des Présidents des Régions du Maroc.Dans cette interview, M. Laenser a également annoncé sa décision relative à la poursuite de la présidence du parti durant un autre mandat.

 

Le Discours Royal à l’occasion de la Fête du Trône a tracé la feuille de route pour la phase post-Coronavirus. Comment avez-vous interagi ausein du Mouvement Populaire avec le contenu de ce discours ?

Le Discours Royal à l’occasion de la Fête du Trône a été un discours très riche, dans lequel des mesures concrètes et précises quantitativement et temporellement ont été annoncées. Bien évidemment, Sa Majesté le Roi a rappelé la période marquée par la pandémie que nous avons vécue et que nous vivons encore, et les mesures qui ont été prises pour y faire face. Il est nécessaire, à cet égard, de saluer les initiatives prises par Sa Majesté le Roi qui se sont distinguées par leur proactivité et efficacité et qui, malgré ce que nous observons actuellement, ont fait épargner au Maroc de nombreuses catastrophes.

Sa Majesté le Roi ne s’est pas limitée au rappel de la période de la pandémie et de ses répercussions, mais il a tracé la feuille de route pour l’étape post-Coronavirus, qui est une étape plus dangereuse que ce que nous avons vécu pendant la pandémie, en raison des impacts et préjudices qu’a subis l’économie nationale, ainsi que de la situation sociale, car plusieurs catégories sociales ont été affectées. Ainsi, Sa Majesté le Roi a tiré rapidement des leçons de la pandémie, qui sont en fait deux leçons essentielles. Premièrement, il faut impulser la relance économique. Cela sera peut-être difficile durant une année, mais cette relance doit être préparée à travers l’accompagnement des entreprises. Cela a amené Sa Majesté le Roi à annoncer une mesure forte consistant en l’allocation de 120 milliards de DH au soutien des entreprises. Deuxièmement, la promotion de la situation sociale, d’autant plus que nous avons tous découvert, pendant la période de crise, que tout ce que nous imaginions était bien en-deçà de la réalité. Quand nous parlions de l’économie informelle, nous pensions qu’elle représentait 15 à 20%,voire 30% du tissu économique dans les cas les plus extrêmes, alors qu’il s’est avéré que près de cinq millions de foyers vivaient du secteur informel et ont été affectés par les répercussions de la pandémie. Ainsi, la priorité des priorités est désormais d’ordre social et il est nécessaire donc d’assurer un niveau minimum de protection sociale et de droits. C’est ce qui a incité Sa Majesté le Roi à prendre la décision ferme d’assurer une couverture sociale à tous les Marocains et de fixer un délai de cinq ans pour parvenir à cette généralisation. Il est nécessaire donc de commencer à appliquer ces Hautes Orientations Royales, en plus de la réforme du secteur public, qui a prouvé qu’il était présent et mobilisé durant la pandémie.Il est donc nécessaire de soutenir son efficacité et de revoir de nombreuses questions. Le Discours Royal a été fort et a mis à la disposition des décideurs tous les mécanismes pour agir.

Avant le Discours Royal, vous avez soumis un mémorandum contenant vos propositions pour l’étape post-Coronavirus. Comment le gouvernement a-t-il interagi avec ce mémorandum ?

C’est vrai, nous avons présenté de nombreuses propositions qui ont inspiré des mesures qui ont été prises par le gouvernement actuellement, dont notamment la rectification de la loi de finances pour revoir ses prévisions et hypothèses. Nous avons également appelé à la pérennisation du Fonds de gestion de la pandémie du Coronavirus, dont les recettes ont atteint plus de 33 milliards de DH. Nous avons proposé des mécanismes pour la poursuite du soutien social et nous avons appelé à l’unification de tous les fonds de soutien social, car de nombreux fonds ciblent les mêmes objectifs. Le fonds « Covid-19 » a démontré la possibilité d’être une excellente alternative pour ce regroupement, surtout aujourd’hui avec l’adoption du Registre social unifié.Bien évidemment, nous avons proposé de soutenir les entreprises, en particulier les secteurs affectés, à savoir notamment le tourisme, le transport et l’artisanat. Nous avons également appelé à la nécessité de soutenir le monde rural. C’est d’ailleurs l’une des leçons tirées de la pandémie. Nous ne pouvons pas continuer à traiter le monde rural selon la logique des sapeurs-pompiers. Nous n’intervenons que lorsque les incendies se déclenchent pour les éteindre. Si nous voulons vraiment réduire les disparités et les problèmes sociaux, il faut prêter une attention plus importante au monde rural et faire preuve d’une volonté forte, car le Maroc ne peut pas poursuivre son avancée que s’il marche sur ses deux pieds.

Récemment, des consultations ont été engagées entre le ministre de l’Intérieur et les dirigeants des partis politiques au sujet de la préparation des prochaines élections. Dans quelle ambiance se sont déroulées ces consultations ?

Premièrement, il faudrait rappeler qu’il s’agit d’une tradition ordinaire qui a été consacrée depuis des années. En effet, à l’approche de toute échéance électorale, des consultations doivent être engagées avec les partis politiques et les syndicats pour recueillir éventuellement leurs propositions d’amendements des lois qui encadrent le processus électoral. Bien évidemment,le processus des consultations a démarré avant la crise du Coronavirus, avec la tenue d’une réunion entre le Chef du gouvernement et les dirigeants des partis politiques. Il avait été convenu de tenir un autre round de consultations pour examiner en profondeur les propositions soumises, mais les consultations se sont arrêtées avec l’avènement de la pandémie. Depuis quelques semaines, le ministre de l’Intérieur a tenu une réunion avec les secrétaires généraux des partis politiques, car il y avait beaucoup de rumeurs sur le report des élections.En fait et jusqu’à maintenant, rien ne justifie le report des élections dont nous sépare un peu plus d’un an. Nous espérons que cette pandémie arrivera bientôt à terme. Nous ne devons donc pas nous fonder sur des hypothèses irréalistes. Ainsi, la réunion a eu lieu avec les partis représentés au Parlement et nous avons discuté de la méthodologie de travail : sera-t-elle similaire à celle adoptée lors des étapes précédentes, où c’était le ministère de l’Intérieur qui soumettait les propositions à la discussion ? ou l’initiative reviendrait-elle désormais aux partis politiques pour soumettre des propositions et les discuter par la suite ? Nous avons opté pour la seconde formule, avec la soumission par les partis des mémorandums contenant leurs propositions d’amendements, puis la tenue d’autres réunions pour la discussion de ces mémorandums.Certes, des points de divergence surgiront et il faudra les examiner pour parvenir à un consensus.

Tous les partis ont publié leurs mémorandums à l’exception du parti du Mouvement Populaire. Pourquoi ce black-out ?

Pour une raison simple ou plutôt deux raisons en fait. La première raison tient à une considération de bienséance. On nous a demandé de présenter un mémorandum au ministère de l’Intérieur en vue de sa discussion. Je ne comprends pas comment les mémorandums seront discutés en dehors du cadre sur lequel nous nous sommes entendus. La seconde raison tient au fait que nous avons constaté une précipitation pour la publication des mémorandums. Nous avons décidé alors de ne pas nous bousculer avec les autres, sachant que notre mémorandum est publié sur le site Internet du parti, mais nous n’avons pas fait sa promotion. Bien évidemment, le moment viendra où nous allons défendre nos opinions et propositions à l’intérieur ou à l’extérieur de la commission lors des délibérations des propositions. Nous respectons le travail institutionnel.

A cette occasion, quelles sont les propositions les plus importantes contenues dans le mémorandum du parti ?

Bien entendu, il n’y a pas de désaccord entre tous les partis politiques sur les points sur lesquels portent les amendements. Par rapport à la question du mode de scrutin, nous revendiquons depuis longtemps l’adoption du mode de scrutin uninominal.Actuellement, après toutes ces années où nous avons expérimenté le mode de scrutin de liste, nous avons des reproches à l’égard de ce mode, car nous nous sommes retrouvés entre la liste et l’uninominal. Nous n’avons pas adopté le mode de scrutin de liste avec toutes ses composants et nous n’avons pas préservé le mode de scrutin uninominal. Nous sommes à mi-chemin entre les deux modes de scrutin et nous y sommes restés. Mais vu que les gens se sont habitués à ce mode de scrutin, nous avons dit qu’il n’y avait pas de problème. Nous pouvons continuer à adopter ce mode de scrutin, mais sous certaines conditions.

En ce qui concerne la révision du dénominateur électoral, nous avons longuement réfléchi après l’appel de certains partis à imposer le vote obligatoire.Lors de nos discussions, nous avons estimé que le vote obligatoire est anticonstitutionnel, car il prive les citoyens du droit de choisir, voire il pourrait avoir des résultats contre-productifs. Puisque l’inscription sur les listes électorales est obligatoire, nous suggérons de considérer que toute personne inscrite sur ces listes dispose de la volonté de participer au processus électoral. Nous avons affirmé, comme c’est le cas dans certains pays, que lorsque les listes électorales sont arrêtées, le dénominateur électoral peut être déterminé sur la base du nombre des personnes inscrites sur ces listes et non en en attendant le vote pour déterminer le dénominateur électoral en fonction des bulletins de vote validés.

Le seuil électoral est l’objet également d’un débat. Nous affirmons que quel que soit le seuil électoral retenu, qu’il s’agisse de 3 ou 6%, pour que ce seuil soit pertinent, il devrait être appliqué au niveau national. Ainsi, pour le parti qui n’atteint pas le seuil électoral au niveau national,les votes qu’il obtient localement ne pourraient pas être comptabilisés, ce qui réduira le nombre des partis représentés dans les institutions élues. Puisque cette requête n’a pas été acceptée dans le passé, nous avons affirmé que le plus important dans l’opération que nous avons proposée concernant le dénominateur électoral est que même pour les partis qui n’ont pas atteint le seuil,les votes qu’ils ont obtenus doivent être comptabilisés dans le calcul du dénominateur électoral. Nous suggérons aussi de garder le seuil de 3%pour les élections législatives et de 6%pour les élections communales pour préserver la stabilité des majorités.

Une autre question a été soulevée, à savoir celle du jour du scrutin : tout le monde refuse d’organiser le scrutin le vendredi, car il coïncide avec le week-end et de nombreux citoyens considèrent que c’est un jour férié et ne se rendent pas aux urnes pour voter.

De même, la question de l’utilisation de symboles nationaux a été discutée.Il n’est pas raisonnable d’interdire ces symboles, car les électeurs et les candidats sont des Marocains, que ce soit durant les élections ou en dehors des élections.Ainsi, il n’est pas raisonnable de leur dire qu’il n’est pas possible d’utiliser l’hymne national ou le drapeau national lors des élections. Cela n’a aucun sens.

Par ailleurs, les listes nationales soulèvent deux problèmes. Il y a d’abord le problème philosophique profond, car lorsque ces listes ont été instituées, elles n’étaient pas destinées à rester indéfiniment. Elles étaient une solution temporaire pour encourager la participation politique des femmes et des jeunes.Malheureusement,ces listes n’ont pas atteint ce résultat.Il faudrait donc mettre un terme à ces listes l’un de ces jours.Puisque ces listes subsisteront actuellement, nous avons proposé d’adopter des listes régionales pour que les candidats figurant sur ces listes participent et contribuent aux campagnes électorales et consacrent ainsi la politique de proximité entre le candidat et l’électeur, car lorsque les listes sont nationales, elles n’encouragent pas cela.

Il y a des partis qui ont proposé d’organiser toutes les élections en une seule journée. Quelle est votre position à l’égard de cette proposition ?

En effet, nous avons également appelé à l’organisation de toutes les élections durant une seule journée, mais nous avons laissé au ministère de l’Intérieur la latitude d’examiner les aspects techniques et juridiques.Aurions-nous un bulletin unique qui comprendra six cases ou trois bulletins séparés : un premier bulletin relatif aux élections législatives de la Chambre des Représentants, un deuxième pour les élections régionales et un troisième bulletin relatif aux élections communales ?

Qu’en est-il de la révision des lois électorales. Les élections seront-elles organisées conformément aux lois actuellement en vigueur ?

Il est nécessaire de réviser les lois, car tous les amendements précédemment proposés présupposent l’amendement des lois actuelles. Nous avions une autre idée, mais l’actualité et les circonstances de la pandémie ne le permettent pas. L’idée est qu’au début de l’année en cours, nous disions qu’il restait encore deux ans avant la date des élections. Nous avons suggéré de mettre toutes les lois sur la table afin de les amender, qu’il s’agisse des lois électorales ou de celles relatives aux régions, aux communes et au parlement.L’objectif est d’aboutir à des lois qui pourraient permettre de lutter contre un certain nombre de phénomènes qui portent préjudice au processus électoral, tels le recours à l’argent illicite et la multiplicité des mandats électoraux. Mais il s’est avéré qu’il est difficile d’engager ce grand chantier au vu de la situation actuelle. Ainsi, nous nous sommes donc limités à proposer l’amendement de certaines dispositions fondamentales des lois électorales. Bien entendu, la loi sur les partis politiques pourrait être révisée pour faciliter la candidature conjointe ou pour former des alliances préalables, mais ce chantier n’a pas été ouvert.

Vous avez parlé de la proposition d’interdire la multiplicité des mandats électoraux. Cette question a soulevé beaucoup de controverse, d’autant plus qu’il y a des électeurs qui accumulent des indemnités pécuniaires importantes en cumulant des mandats électoraux. Êtes-vous contre la multiplicité des indemnités électorales ?

Nous ne sommes pas contre les indemnisations, mais notre proposition découle de la question de la capacité à gérer et à cumuler plusieurs missions. Dans ce sens, nous considérons que l’expérience des présidents des Régions a été une expérience positive, après l’interdiction du cumul de la présidence d’une région avec tout autre mandat électoral, que ce soit la présidence d’une commune ou le fait d’être membre au Parlement. Nous essayons effectivement de généraliser cette expérience à la présidence des conseils des villes, au moins dans les grandes villes, car le poste de président du conseil d’une grande ville exige de celui qui l’occupe d’être présent au quotidien pour accompagner la gestion des affaires publiques.Les expériences de nombreux pays vont dans ce sens. Par exemple,pour des villes comme Casablanca, Rabat, Fès, Salé, Tanger et d’autres, le président ne peut pas occuper plus d’un poste : par exemple, être maire d’une ville, vice-président d’une région et parlementaire en même temps. Il devrait se dévouer à la responsabilité de la présidence du conseil de la commune.

Vous présidez le Conseil de la Région Fès-Meknès et présidez l’Association des Présidents des Régions du Maroc. Après la première expérience des conseils régionaux dans leur nouvelle formule, cette expérience a-t-elle révélé l’existence de carences et de lacunes dans la loi organique relative aux régions ?

Il n’y a pas de loi complète qui comprend juste des dispositions précises. La pratique doit révéler certaines lacunes. Par exemple, la pratique a prouvé aujourd’hui qu’il existe des lacunes dans la loi organique relative aux régions. Je donnerai un exemple simple qui concerne la précision des compétences reconnues aux régions. Par exemple, la loi stipule que la formation professionnelle et l’emploi relèvent des compétences des régions,mais elle n’a pas précisé ce qu’elle entend par cela : s’agit-il uniquement de l’élaboration d’une carte des établissements de formation professionnelle ?de la construction de ces établissements ?ou de l’affectation de formateurs pour assurer les formations ?Nous avons également constaté que l’attraction des investissements faisait partie des compétences des Régions, alors que le gouvernement est en charge en même temps de ces compétences.

Un autre problème a trait au tracé d’une ligne de démarcation entre les compétences. Il faudrait donc préciser clairement ces compétences. Nous œuvrons, au sein de l’Association des Présidents des Régions du Maroc,à la précision de plusieurs dispositions de la loi. En effet, nous avons constaté qu’il y a des choses qui semblent étranges. Par exemple, le secteur agricole ne figure pas ni parmi les compétences propres ni parmi les compétences communes des Régions, mais parmi les compétences qui peuvent être transférées aux Régions, alors que les Régions sont un espace territorial et le secteur qui a le plus une vocation territoriale dans la Région est l’agriculture. Il est donc difficile de dire que l’agriculture ne relève pas des compétences des Régions. Il en est de même pour la santé qui ne relève pas des compétences des Régions. Or, aujourd’hui,les faits nous obligent à œuvrer dans ces domaines, bien qu’ils n’aient pas été stipulés dans la loi. Par exemple, les Régions se chargent de l’équipement de certains centres de santé et d’hôpitaux et de l’achat d’ambulances. Ce sont quelques-unes des questions qu’il s’est avéré nécessaire de préciser. L’Association coordonne constamment avec le ministère de l’Intérieur qui, à son tour,relevé ces questions.

Passons au travail gouvernemental. Le parti du Mouvement Populaire a participé aux gouvernement précédent et actuel aux côtés du Parti de la Justice et du Développement (PJD). Quelle est la situation de la majorité à la lumière des escarmouches qui surgissent de temps à autre entre ses composantes ?

Nous l’avons affirmé et nous l’affirmons encore :il est difficile que le système électoral marocain puisse donner lieu à un parti majoritaire. Il est donc nécessaire de nouer des alliances, mais ces alliances doivent être constituées dans des limites raisonnables. Par exemple, la majorité devrait se constituer de deux ou trois partis pour pouvoir se mettre d’accord autour d’un programme défini, car quand la majorité est formée d’une coalition de cinq ou six partis, il est difficile qu’il y est harmonie et compréhension.Parfois,cela fait émerger des positions divergentes, mais il n’y a pas de différend comme en parlent la presse et l’opposition. Je voudrais souligner que le gouvernement travaille, certes pas avec le rythme et l’efficacité que nous aurions souhaités, mais il n’y a pas d’alternative, car le problème réside dans l’absence de mécanismes qui font émerger une majorité forte et une opposition forte.

Vous avez dit qu’il n’y a pas de différend. Or, pourquoi n’êtes-vous pas parvenu à un accord pour présenter un mémorandum conjoint au sujet des réformes électorales, alors qu’en revanche les partis de l’opposition ont soumis un mémorandum conjoint ?

Bien évidemment, comme je l’avait affirmé auparavant, le problème est à caractère juridique, car les alliances actuelles étaient dictées par l’obsession de former le gouvernement. Nous menons une réflexion portant sur l’amendement de la loi sur les partis politiques, afin de permettre la formation d’alliances préalables basées sur des programmes et des projets politiques, car la coalition qui intervient après les élections ne peut être dictée que par les chiffres et le nombre des sièges obtenus. Celui qui forme le gouvernement est à la recherche une d’majorité numérique et cela crée une divergence de points de vue et des priorités. Par exemple,nos priorités essentielles sont le monde rural et la question amazighe, qui ne sont pas censées être celles des autres alliés.Cela confirme qu’en dehors des questions liées à la gestion gouvernementale, chaque parti préserve ses positions à l’égard de certaines questions politiques ou sociétales. Cela n’est pas étrange.

S’agissant du mémorandum sur les élections, je n’ai pas consulté les mémorandums de tous les partis, mais j’imagine que les partis, même ceux qui font partie de l’alliance au sein du gouvernement, ne défendront pas la même vision concernant le seuil électoral et le dénominateur électoral. Les divergences relevées ne devraient pas être considérées comme une violation des engagements au sein de la majorité gouvernementale. Bien au contraire, nous œuvrons à la mise en œuvre d’un programme gouvernemental qui a été unanimement établi par les composantes de la majorité et voté par le Parlement. En dehors de cela, chaque parti a ses propres vision et conception.

Mais on trouve des partis au sein du gouvernement qui s’opposent à certaines décisions gouvernementales. Cela crée une sorte de confusion chez les citoyens ?

Aucun parti de la majorité n’a voté contre le gouvernement. Un parti pourrait exprimer son mécontentement à l’égard de certaines décisions du gouvernement ou annoncer une position différente. Cela s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression, mais le danger réside lorsqu’un parti de la majorité vote contre un projet de loi soumis par le gouvernement. Cela ne s’est pas produit.

Au contraire, cela s’est produit quand le Parti de la Justice et du Développement (PJD) a voté par abstention contre certains articles de la loi cadre relative à l’éducation ?

En effet, il s’agissait d’un sujet très complexe dans lequel l’idéologie avait joué un rôle important, mais sa gestion a été positive et rationnelle. Nous avons convenu de laisser la liberté de choix au Parti de la Justice et du Développement (PJD) pour voter ou non sur certains articles de ladite loi afin d’éviter de l’embarrasser devant l’opinion publique, après avoir exprimé ses réserves à l’égard de ladite loi. En effet, il a voté par abstention sur certains articles, contrairement au reste des alliés au sein de la majorité, mais le parti a voté en faveur de la loi dans son intégralité, et c’est ce qui est important pour nous.

Vous avez dit que parmi les priorités du Mouvement Populaire le monde rural et la question amazighe. A quel stade est arrivée l’officialisation de la langue amazighe ?

Concernant l’officialisation de la langue amazighe, il n’y a pas de problème, mais il y des difficultés pour activer cette officialisation. Les lois organiques ont été adoptées, mais soyons francs à cet égard. Le problème réside dans la capacité de la société dans son ensemble à s’engager dans cette orientation. Aujourd’hui, les lois ne résoudront pas le problème. Il est possible d’adopter une loi qui stipule le caractère obligatoire de l’usage de la langue amazighe, mais si l’enseignement n’accompagne cela de manière forte pour que les élèves maîtrisent la langue amazighe et puissent la lire et la comprendre et si les relations quotidiennes entre les citoyens n’intègrent pas la langue amazighe, non pas pour prendre la position d’autres langues, mais pour occuper la position qui lui revient, alors ces lois resteront lettres muettes. L’activation de l’officialisation de la langue amazighe nécessite du temps.Au sein du Mouvement Populaire, notre lutte est continue et ne s’arrêtera pas. Nous militons depuis 1958 et l’officialisation constitutionnelle de la langue amazighe n’est intervenue qu’en 2011. Notre lutte continuera pour que la langue amazighe occupe sa place dans la vie publique. Aujourd’hui, nous observons des choses étranges : des administrations ont fait l’effort d’élaborer des pancartes en Tifinagh, mais malheureusement ces dernières sont entachées d’erreurs, qui leur font perdre parfois leur sens.

Vous critiquez toujours le gouvernement auquel vous participez concernant le retard dans l’activation de l’officialisation de la langue amazighe et vous avez accusé le gouvernement précédent de marginaliser la question amazighe après l’avoir placée parmi les derniers jalons du plan législatif ?

Lorsque nous aurons la majorité au sein du gouvernement, nous avancerons rapidement. Mais maintenant, nous avançons en fonction du rythme des autres.

Vous avez tenu plusieurs réunions avec le Front de l’action politique amazigh. Ces négociations aboutiront-elles à une adhésion collective au parti du Mouvement Populaire ?

La défense de la question amazighe a commencé pour nous depuis l’indépendance. Le Mouvement Populaire l’a inscrite dans ses statuts, mais ne l’a pas instrumentalisée comme une carte politique ou électorale, car nous considérons que la question amazighe concerne tous les Marocains et transcende un parti ou une catégorie, voire les amazighophones,car elle concerne le Maroc dans son ensemble. Jusqu’au début des années 70 du siècle dernier, quelques tentatives politiques se sont manifestées pour défendre la question amazighe, mais elles ont été contrées à l’époque par de nombreux partis et acteurs. Il s’est avéré alors qu’il y avait un problème lié à l’action en dehors des institutions politiques, qui avait atteint ses limites. Les associations avaient également mené un travail titanesque et défendu avec acharnement la question amazighe, mais leur action a atteint à son tour ses limites, au point que la réflexion a porté sur la création d’un parti amazigh. Un tel parti ne pouvait toutefois être créé sur cette base conformément aux dispositions de la constitution et ne saurait être utile, car la question amazighe ne devait pas être isolée.Partant de cela, la réflexion a été engagée au sujet de la défense de la question amazighe à l’intérieur des institutions. Des associations et des individus ont été convaincus par cette action et d’autres ne l’ont pas été, mais le dialogue est resté ouvert. Aujourd’hui, il semble que tout le monde est convaincu que la défense de la question amazighe et l’accélération de l’officialisation de la langue amazighe nécessite l’unification des efforts au sein des institutions partisanes. En effet, le Front de défense de l’amazigh a tenu plusieurs rencontres avec des partis qui s’intéressent à la question amazighe.

Est-ce que tous les partis défendent la question amazighe ?

Dieu soit loué, aujourd’hui il n’y a pas de parti qui est contre la question amazighe. Il existe juste une divergence par rapport à son classement parmi les priorités des partis. Il y a ceux qui considèrent qu’elle est la priorité des priorités, ceux qui le placent au deuxième rang, ceux qui le placent au cinquième rang et ceux qui le placent au dernier rang.Le Front s’est donc focalisé sur les partis qui ont placé la question amazighe parmi leurs priorités. Nous sommes actuellement engagés dans une discussion et un dialogue continus avec eux. Si nous parvenons à un accord et à un consensus, le parti sera ouvert aux individus et aux associations qui veulent rejoindre l’action politique et partisane sur le terrain. Les associations pourraient continuer à exercer leur rôle en dehors du parti. Elles ne devraient pas être nécessairement dissoutes si elles rejoignent le Mouvement Populaire.

Il y a des partis qui font de la question amazighe uniquement une carte électorale. Avez-vous commencé à ressentir une sorte de concurrence, après une période durant laquelle ce dossier est resté l’apanage de votre parti ?

Au contraire, nous ne rejetons pas cela. Nous nous en félicitons. Même ceux qui combattaient la question amazighe dans le passé ou le combattent encore d’une autre manière, expriment désormais, du moins publiquement, leur soutien à cette question, mais à chacun ses convictions. Comme je l’avais dit :depuis des décennies, nous avons refusé d’instrumentaliser la question amazighe et de l’utiliser comme une carte politique ou électorale. Aujourd’hui, les Marocains savent qui défend réellement la question amazighe et qui l’instrumentalise de manière électorale. Nous le faisons par conviction depuis des années, car nous partons du principe que l’amazigh est une composante fondamentale de l’identité marocaine et que le Maroc ne peut pas être imaginé sans cette composante. C’est pour cela que nous avions fait face au panarabisme à l’apogée de sa puissance et qui voulait dominer. Nous affirmions que nous sommes des marocains, arabes,musulmans, africains et amazighs. Le Marocain, le Syrien et l’Irakien ne peuvent pas être considérés du même genre, car le Marocain se distingue par une composition arabe, islamique, amazighe et africaine qui le rend différent.Par conséquent,cet alliage ne peut être rompu.

Avec l’annonce par le ministre de l’Intérieur de l’organisation des élections au cours de l’année prochaine, certaines polarisations ont commencé à apparaître entre les partis politiques. Où se positionnera le parti du Mouvement Populaire ?

Le parti du Mouvement Populaire se distingue par un grand atout, à savoir ses idées, ses orientations et ses valeurs émanent du sol marocain. Même durant une époque où les idéologies mondiales dominaient et où une scission s’est produite au sein du paysage partisan marocain, entre socialistes et capitalistes, les pieds du Mouvement Populaire étaient restés ancrés dans le sol de ce pays et ils le resteront encore.C’est pourquoi, le parti n’a ni barrière ni ligne rouge pour être présent, quand il y a au moins un consensus sur une grande partie de ce que nous défendons, aux côtés du socialiste ou du libéral. Nous aurions eu le choix si la loi permettait les alliances préalables. Nous serions alors obligés de choisir des alliés avant l’annonce des résultats des élections, mais tant que cela n’est pas possible, nous attendrons que les résultats des élections soient annoncés pour déterminer avec qui nous allons nous allier.

Mais quels sont les partis les plus proches de vous si la loi permettait les alliances préalables ?

C’est une question pertinente, qui aurait eu une forte connotation si les idéologies étaient divergentes.On aurait le socialiste qui appelle à la nationalisation de l’économie et le libéral qui appelle à la libéralisation de l’économie.Actuellement, tout le monde adopte une politique centro-libérale modérée. Sur cette base, nous sommes dans une alliance avec les socialistes et les islamistes au sein du gouvernement. Il n’y a pas de différence entre ce qu’ils défendent et ce que nous défendons. Auriez-vous imaginé que l’ancien parti communiste soit avec un parti islamiste et un parti libéral dans le même gouvernement ? Aujourd’hui, la question est désormais liée aux programmes et au mode de gestion plus qu’elle ne l’est aux référentiels et à l’idéologie. Certes, nous sommes en fait plus proches des partis libéraux ou de ceux qui revendiquent au moins qu’ils sont libéraux, soit de par leur affiliation à la famille libérale, soit de par leurs pratiques et agissements. Par exemple, il y a des partis qui n’appartiennent pas à l’Internationale Libérale, mais qui pratiquent le libéralisme en réalité.

Faites-vous allusion au Parti de la Justice et du Développement (PJD), qui prétend être un parti islamiste ?

En effet, même le Parti de la Justice et du Développement (PJD) est un parti libéral.Sa pratique le confirme, que ce soit à travers ses programmes, le travail gouvernemental ou sa gestion des affaires publiques. C’est l’essentiel.

Des divergences se sont déclenchées au sein du parti du Mouvement Populaire depuis son dernier congrès. Quel est l’état de santé du parti à l’approche des élections ?

Contrairement totalement à ce qui est colporté dans les médias et par certains individus qui n’ont pas une position forte au sein du parti, nous considérons que les débats engagés au sein du parti sont sains et naturels, car si tout le monde se tait cela signifie que nous fermons la porte à la liberté d’expression au sein du parti. Le risque aurait été avéré si des différends avaient éclatés entre des dirigeants de premier plan et des militants Influents au sein du parti. Cela n’est pas le cas. Les organes du parti fonctionnent de manière normale. Même durant la période de la pandémie, les réunions se sont poursuivies,à l’exception du Conseil national qui ne s’est pas réuni, car il n’est pas possible de rassembler 600 personnes. Le travail s’est également poursuivi au niveau des comités fonctionnels.

Comment vous préparez-vous aux prochaines élections ?

Nous travaillons actuellement dans les limites permises parles circonstances. Nous entretenons des contacts avec des militants au niveau des provinces. Nous travaillons au niveau central pour examiner la carte politique en fonction des données disponibles, et nous attendons le mois d’octobre prochain pour poursuivre le travail de terrain. Nous espérons une éclaircie de cette pandémie pou effectuer des visites de terrain aux provinces, s’enquérir des préparatifs et identifier les lacunes et les points forts.

Le parti du Mouvement Populaire a perdu de nombreux notables et grands élus après la création du Parti Authenticité et Modernité (PAM). Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux souhaitent retourner dans leur parti d’origine. Avez-vous reçu des requêtes dans ce sens ?

C’est vrai, nous avons eu des contacts avec de nombreux parlementaires et élus. Nous leur souhaitons la bienvenue pour retourner dans le parti, car nous savons que beaucoup d’entre eux ont quitté le parti contre leur volonté. Une certaine ambiance, qui régnait à l’époque, avait fait que bon nombre de personnes ont rejoint le parti que vous avez cité ou d’autres partis. Aujourd’hui, ils ont exprimé leur désir de retourner dans le parti et nous sommes en contact avec eux.

Pensez-vous que le parti sera renforcé par le retour de ceux-ci ?

Au moins, le parti retrouvera sa place, car le parti du Mouvement Populaire, depuis les premières élections après l’indépendance, n’a manqué aucune échéance électorale. Jusqu’aux années 90 du siècle dernier, le Mouvement Populaire occupait les trois premiers rangs. Que s’est-il passé par la suite ? Nous avons cru à la possibilité de fusionner les partis et nous avons décidé de faire fusionner les trois partis issus du Mouvement Populaire. Cette fusion ne peut donner ses fruits que si le mode du scrutin adopté est uninominal, alors qu’actuellement seule une liste peut être soumise. Si les trois partis existaient toujours, ils présenteraient trois listes et leurs chances seraient plus grandes. Nous avons contribué à la rationalisation du paysage politique, mais il faudrait que le mode de scrutin soit uninominal. Le parti ne peut pas être émietté de nouveau, car nous sommes convaincus que le Mouvement Populaire est une seule famille. Quel qu’en soit le prix que nous devrons payer, nous resterons unis.

Voulez-vous dire que vous êtes victimes du système du scrutin de liste ?

Absolument. Le système du scrutin de liste n’a pas été en notre faveur.

Maintenant, nous sommes à l’approche des élections. Le parti occupera-t-il une position avancée selon les résultats de ces élections ?

Nous travaillons et notre objectif est d’améliorer notre position pour être parmi les premiers partis, voire le premier parti, car telle est l’ambition de chaque parti. Il n’y a pas de parti qui se présente aux élections sans avoir l’ambition de gagner les élections.

Le prochain congrès du parti est prévu après les élections et vous êtes le plus ancien secrétaire général d’un parti politique au Maroc.Vous avez auparavant promis de ne pas vous présenter à la direction du parti, mais vous vous êtes rétracté. Est-il temps pour vous de vous retirer de la direction du parti ?

J’ai fait la promesse à deux reprises et c’est la troisième fois et ce sera la dernière. En effet, je pense que les citoyens connaissent les raisons qui m’ont conduit à revenir à la direction du parti, dans les circonstances du congrès de 2018. J’avais l’intention de quitter le Secrétariat général du parti, mais les militants harakis avaient un autre point de vue, car ils avaient jugé que la conjoncture n’était pas propice pour que je parte. J’ai été alors contraint de rester. Lors du prochain congrès qui se tiendra en 2022, je ne me présenterai plus au Secrétariat général, car le parti regorge de nombreuses potentialités capables de diriger le parti. Nous leur souhaitons plein succès.

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