Par Mohamed Ouzzine (*)
Nous avons appris dans nos premiers cours de mathématiques que deux lignes parallèles ne se rencontrent jamais. Mais le destin a voulu que nous soyons témoins de la transformation de cet axiome, suite à la convergence de ceux qui se considéraient comme opposés pour un objectif commun : attaquer le parti du Mouvement Populaire, d’une part, et s’attaquer au dénominateur commun qui unit tous les Marocains, d’autre part.
Un dicton courant parmi nos frères de l’Orient arabe « Qu’est-ce qui a réuni le Levantin et le Marocain ? » s’applique aux positions des deux éminents professeurs, M. Alaâ Eddine Benhadi et M Ali Bouabid. En effet, et malgré l’apparente absence de convergence entre eux, ils ont fait cause commune en cherchant à déformer le sens des mots et à semer la division entre les fils d’un même peuple.
Commençons par le Dr Alaâ Eddine Benhadi, dont la première impression de quiconque écoute ses conférences est qu’il maîtrise la langue arabe à un degré impressionnant. Cependant, aussi élégant et beau soit le contenant linguistique, cela ne garantit ni la crédibilité, ni l’objectivité, ni la cohérence du sens, ni même la validité du contenu, comme l’avait expriùé le pionnier de la linguistique moderne, Noam Chomsky.
C’est le pur hasard qui m’a conduit à parcourir l’épisode 17 du Dr Benhadi sur YouTube. Le hasard, dans l’espace numérique et sous l’emprise de l’intelligence artificielle, vaut mieux que mille rendez-vous.
La magie de la langue et la rime m’ont captivé pendant plus de trente minutes, mais le contenant n’a rien apporté de nouveau, si ce n’est un rappel de faits historiques dont la véracité est contestée par les connaisseurs. L’éminent docteur a entamé ce rappel en abordant des faits qui cachent toute la fausseté, même de bonnes intentions et ce, dans une narration où le docteur mêle récits sans qu’ils soient sourcés et la distribution de jugements de condamnation et de certificats d’indulgence à gauche et à droite, sans procéder à une lecture réaliste, scrutatrice et approfondie des faits, ni à une analyse objective, solidement argumentée et convaincante.
Dès qu’il a entamé son récit et sa narration, dans le style des Maqamat, il semblerait que l’honorable docteur annonce un nouveau projet politique et intellectuel, à l’image de la « Troisième Théorie Universelle » du regretté colonel. Son Excellence a failli taxer de traitrise tous les partis, factions, sectes et courants, préparant l’auditoire à l’érection de potences sur les places publiques et dans les arènes, et excluant toute invocation de l’approche contradictoire et prise en considération des contraintes.
Le brillant docteur, maître de la langue et de la rhétorique, a remis en question la légitimité de toutes les institutions et de tous les individus, et a excellé dans la promotion d’une nouvelle théorie fondée sur la transformation des Etats suivant la transformation des individus, plutôt que sur le principe de la continuité qui ne signifie pas stagnation et inertie, tout en remettant également en doute la conscience de tous ceux qui se sont succédé et se sont adonné à la chose politique, depuis le déclin de la dynastie saâdienne à l’époque des préparatifs de la Coupe du monde.
Parce que le Dr Benhadi promeut son projet politique et sociétal en adoptant la technique du « goutte à goutte » utilisée dans l’irrigation, conformément au dicton « goutte à goutte, le fleuve renfloue », on déduit que sa démarche et ses déclarations sont une tentative acharnée de sous-estimer et d’anéantir tous les acquis réalisés par les Marocains depuis plus de 33 siècles, et étouffer les valeurs communes de solidarité, de coexistence et de tolérance ; lesquelles valeurs ont protégé la nation de tous les vents violents, qu’ils soient orientaux ou occidentaux, et en ont fait un édifice inexpugnable contre toute tentative de fragmentation et de division.
Tout ce que le Dr Benhadi a dit tout au long de 29 minutes demeure critiquable, mais la promotion arbitraire de l’illusion et du mensonge à laquelle il s’est adonné après la 30ème minute est gravissime.
Son éminence a rendu le jugement final, sans s’appuyer sur un rapport ni sur des témoins, concernant une activité intellectuelle qui a été récemment organisée par l’AcadéSon éminence a rendu le jugement final, sans s’appuyer sur un rapport ni sur des témoins, concernant une activité intellectuelle qui a été récemment organisée par l’Académie Lahcen Lyoussi à Rabat. L’acte d’accusation serait le « crime d’ouverture » du bras intellectuel du parti du Mouvement Populaire sur tous les Marocains, quelles que soient leurs convictions religieuses, garanties par le texte coranique : « Dites : “Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux Tribus, à ce qui a été révélé à Moïse et à Jésus, et aux prophètes de la part de leur Seigneur. Nous ne faisons aucune distinction entre eux, et à Lui nous sommes soumis” » (Sourate Al-Baqarah), mais également garanties par l’article 41 de la Constitution « Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes ». mie Lahcen Lyoussi à Rabat. L’acte d’accusation serait le « crime d’ouverture » du bras intellectuel du parti du Mouvement Populaire sur tous les Marocains, quelles que soient leurs convictions religieuses, garanties par le texte coranique : « Dites : “Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux Tribus, à ce qui a été révélé à Moïse et à Jésus, et aux prophètes de la part de leur Seigneur. Nous ne faisons aucune distinction entre eux, et à Lui nous sommes soumis” » (Sourate Al-Baqarah), mais également garanties par l’article 41 de la Constitution « Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes ».
Cependant, malgré tous ces textes, le Dr Benhadi tente de nous convaincre que la conviction religieuse justifie le retrait de la nationalité et de l’appartenance de Marocains qui ont vécu selon les valeurs singulières de Tamaghrabite avant même l’avènement de l’Islam. « Jacky Kadoch » et d’autres frères marocains de confession juive sont nos frères dans la patrie.
A l’instar du Dr Benhadi, M. Ali Bouabid, fils du défunt leader ittihadi historique Abderrahim Bouabid, s’est également exprimé à ce sujet en donnant des déclarations qui ne peuvent être qualifiées d’opinions ou de positions politiques, car elles constituent plutôt une erreur conceptuelle et un glissement rhétorique qui sapent en même temps l’essence de l’Etat et le concept de patriotisme.
Lorsque l’appartenance à la patrie est réduite à une position circonstancielle à l’égard d’un conflit extérieur ou lorsque l’expression du « patriotisme » est conditionnée par l’ampleur de l’interaction avec une tragédie dont les racines ne sont pas intrinsèquement liées à la sphère nationale, nous sommes confrontés à un effondrement effroyable du concept de citoyenneté et à sa transformation en une arène pour procéder à des purges idéologiques.
Le patriotisme n’est pas un « formulaire » à renseigner au gré de l’humeur du moment ou des caprices d’une rhétorique populiste. Il s’agit plutôt d’une affiliation juridique, émotionnelle, historique, culturelle et contractuelle avec l’Etat, telle que définie par la Constitution, et non telle que l’imaginent ceux qui vivent dans l’ombre de l’échec politique et cherchent des boucs émissaires pour se dédouaner de leurs crises.
Nos frères marocains de confession juive (et non d’orientation sioniste) ne sont pas tenus de rendre des comptes, car ils n’ont jamais rompu avec cette nation, ni dans les bons ni dans les mauvais moments. Si la suggestion de célébrer une fête religieuse traditionnelle est perçue comme une « trahison émotionnelle », cela démontre une profonde méconnaissance de l’histoire sociale du Maroc, où les spécificités religieuses et culturelles ont coexisté au fil des siècles sans perturber l’édifice du patriotisme ni compromettre l’appartenance.
L’instrumentalisation gauche du Discours Royal dans le bourbier du chantage politique représente une dangereuse tentative de déformer le sens souverain des positions suprêmes de l’Etat. Le Roi, en sa qualité d’Amir Al-Mouminine, garant des libertés religieuses et symbole de l’unité de la nation, ne saurait être instrumentalisé dans des conflits stériles et Ses Discours ne sauraient être interprétés pour accuser telle ou telle personne de trahison. Les positions Royales expriment celles de l’Etat, et non des accès de colère idéologique ou des calculs populistes. Il est absurde de les invoquer à la guise de certains et de les déformer au gré de leurs caprices.
Et puis, qu’est-ce qui nous donne le droit de mesurer le patriotisme des citoyens et de distribuer des certificats de loyauté et d’appartenance ? Si nous nous soucions véritablement de notre nation, ne serait-il pas plus judicieux de nous interroger d’abord sur la nature de notre contribution à son édification, plutôt que de nous consacrer à prononcer des jugements absurdes à l’encontre de citoyens qui ont servi la patrie, silencieusement ou ouvertement ?
De plus, depuis quand l’appartenance à la patrie est-elle devenue subordonnée à une déclaration d’allégeance à une cause étrangère ? L’amour de sa patrie se mesure-t-il à la couleur de l’émotion ou à la profondeur de son engagement ? Le véritable patriotisme ne requiert pas de démonstrations émotionnelles, mais plutôt des positions responsables qui préservent la diversité et protègent l’Etat des tendances à l’exclusion qui menacent son existence même.
Ce que vous avez proféré, M. Bouabid, ne reflète ni une préoccupation pour la Palestine ni une bienveillance à l’égard du Maroc. Cela reflète plutôt la profondeur de la crise de la pensée politique, qui n’a pas encore été libérée de la logique des accusations de trahison et d’alignement confessionnel. Cette rhétorique n’est pas seulement offensante pour les marocains de confession juive ; elle porte atteinte au cœur du contrat national, qui ne distingue un citoyen d’un autre que par son degré d’engagement envers la loi et son service de l’intérêt général.
Le patriotisme ne se mesure pas aux portes de Gaza, ni n’est classifié selon le degré de loyauté envers une capitale ou une autre, ni n’est conditionné par une conviction ou une position étrangère. Le patriotisme est cette entité complexe qui accueille la différence et la diversité sans les assimiler, C’est cette capacité à vivre ensemble sans se juger les uns les autres, à célébrer nos différences sans être accusés, et à appartenir sans être tenus d’expliquer ou de justifier.
C’est pourquoi nous disons : assez d’imprudence à l’égard du concept de patriotisme, assez d’atteinte à la coexistence, assez d’instrumentalisation de causes justes comme prétexte pour purger son impuissance politique dans l’honneur des gens. Cette patrie n’est pas gouvernée par le langage de l’accusation, mais par la sagesse de l’Etat, plus vaste et plus sublime que les émotions et les caprices idéologiques.
En conclusion, nous disons aux deux professeurs que si la méthodologie de la calomnie contraint ses partisans (islamistes et gauchistes) à brouiller les cartes et à répéter des slogans qui ne sont guère plus qu’un simple phénomène vocal, nous, au sein du Mouvement Populaire, à l’instar de la grande majorité des Marocains, n’accepterons jamais la tutelle d’aucune partie, quelle qu’elle soit, autre que la patrie qui nous unit. Le Maroc d’abord… le Maroc ensuite… le Maroc toujours.
Nous n’accepterons jamais non plus l’autorité de nous priver de la liberté d’expression par la langue, la plume, le microphone, le violon, le tambourin, ou toutes les langues.
Ceci marque l’ouverture d’un débat raffiné, serein et responsable, fondé sur la conviction que les désaccords ne gâchent pas l’amitié. C’est une invitation ouverte le Dr Alaâ Eddine Benhadi et M. Ali Bouabid pour nous honorer de leur présence lors d’un séminaire dans les prochains jours, dans le cadre des activités de l’Académie Lahcen Lyoussi.
Nos prières sincères : Revenez à Dieu M. Bouabid et à la bonne voie M. Benhadi.
(*) Secrétaire général du parti du Mouvement Populaire