Lors d’un séminaire organisé par le Mouvement Populaire sur “l’avant-projet du code pénal : entre la réalité et l’ambition”- M. Laenser appelleà l’adoption de la démarche de la modération pour résoudre le différend autour de l’avant-projet afin d’assurer l’unité nationale et la stabilité sociale- L’accent a été mis sur le fait quel’avant-projet demeure un projet et un effort qui nécessiteprécision et développement

Mohand Laenser, Secrétaire général du Mouvement Populaire, a appelé, vendredi dernier à Rabat, à l’adoption de la démarche de la modération pour résoudre le différend autour de l’avant-projet du code pénal afin d’assurer l’unité nationale et la stabilité sociale.
Intervenant à l’occasion du séminaire organisé par le Mouvement Populaire sur « l’avant-projet du code pénal, entre la réalité et l’ambition », M. Laenser a affirmé que le débat sur l’avant-projet du code pénal dans son volet relatif aux crimes ordinaires, dont la nécessaire sanction n’est contestée par personne, ne fait pas l’objet d’un différend, précisant que le tiraillement et le différend portent toutefois sur le volet relatif aux choix liés à la liberté de conscience et à l’exercice des libertés individuelles.
Par ailleurs, M. Laenser a souligné l’importance du sujet qui au centre d’un large débat public eu égard à sa relation avec la vie sociétale, précisant que ce sujet interpelle le génie et l’intelligence de l’esprit marocain, qui trouve son référentiel dans la modération tous azimuts et ce, de manière à assurer l’unité nationale et la stabilité sociale, et aboutir ainsi à un arsenal juridique pénal répondant à la nature de la nation marocaine ancestrale par sa civilisation et son histoire.
Le Secrétaire général du Mouvement Populaire a souligné qu’il est normal que le politique ait une opinion politique par rapport à une telle question sur la base de son propre référentiel, précisant que le politique a besoin toujours du point de vue des militants des droits de l’homme et des spécialistes, afin de développer une position corroborée par l’esprit de la loi et les exigences de la nature de la société marocaine.
Laenser a réaffirmé que la liberté est le principe, indiquant que le Mouvement Populaire a été pionnier à adopter le choix de la liberté à l’époque de sa fondation, à travers l’appel à la consécration des libertés publiques et la défense du pluralisme, affirmant que ce choix a été adopté par l’Etat marocain moderne à tous les niveaux, qu’ils soient politiques, économiques ou intellectuels.
Laenser a poursuivi, lors de ce séminaire organisé sous le slogan « nos valeurs, les valeurs de la marocanité », que la coutume « Izraf »devra constituer, comme cela a toujours le cas, l’une des sources de la législation, indiquant à cet égard que l’exercice de la liberté doit intervenir dans le cadre du respect de ces valeurs et coutumes, tout en s’engageant à respecter le sentiment de collectif et à ne pas tomber dans le piège de la provocation et de la contre-provocation «.
Pour sa part, M. Lahcen Haddad,membre du Bureau politique et Porte-parole officiel du Mouvement Populaire, a évoqué la conviction que nourrit le parti à l’égard de l’importance du dialogue et de l’échange des points de vues au sujet de différentes questions, dont notamment l’avant-projet du code pénal, affirmant que certaines nouveautés contenues dans l’avant-projet ont été dictées par la nécessaire adéquation avec les dispositions de la Constitution du Royaume de 2011, ainsi que la nécessaire adéquation avec de nombreuses conventions internationales ayant trait aux droits de l’Homme et à la lutte contre la criminalité qui ont été ratifiées par le Maroc.
Haddad a ajouté que cet avant-projet de loi intervient dans le cadre de l’activation du chantier de réforme de la justice ordonné par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et initié par le gouvernement à la lumière des développements significatifs qu’a connus la société et des menaces sécuritaires qui guettent le Maroc.
Ce membre du Bureau politique du Mouvement Populaire a indiqué que cet avant-projet de loi s’est ouvert sur de nombreux principes consacrés par la jurisprudence judiciaire marocaine dans plusieurs questions de droit, ainsi que sur de nombreuses législations pénales comparées modernes et développées,précisant qu’il est normal que certaines règles du code pénal affectent les droits et les libertés des individus, car le code pénal vise à protéger les libertés des individus et à leur garantir un procès équitable autant qu’il vise à lutter contre le crime et àprés erver la sûreté publique et la sécurité des personnes et des biens ; ce qui constitue une équation difficile qui exige de concilier entre les deux intérêts et de ne pas faire prévaloir l’un au détriment de l’autre. M. Haddad a souligné, cependant,qu’il est nécessaire de respecter les règles et normes internationalement convenues lors de l’élaboration de règles procédurale saffectant les droits et les libertés des individus.
D’autre part, M. Haddad a confirmé que l’avant-projet du code pénal soulève une série de questions s’agissant de son référentiel, s’interrogeant dans quelle mesure ce projet concilie entre les référentiels religieux et universel en relation avec les libertés individuelles, les droits de l’Homme, les recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation, et s’il consacre des avancées ou des régressions sur ce plan.
Haddad s’est également interrogé sur la possibilité d’élaborer un tel projet de loi dans un cadre de neutralité sans que prévalent les préoccupations idéologiques et les questions culturelles qui nous différencient, affirmant que la question qui préoccupe les citoyens est de savoir si l’avant-projet du code pénal contribuera à la prévention et à la réduction de la criminalité et répondra au besoin urgent de sécurité et de sûreté que ressentent les citoyens, que ce soit sur eux-mêmes ou sur leurs biens,ainsi que l’Etat et les institutions.
Haddad a indiqué, en outre, que l’actuel code pénal a été incapable de traiter de nombreuses questions, telles que l’avortement, la consommation de boissons alcoolisées, la relation entre la religion et l’Etat et d’autres, s’interrogeant si l’avant-projet du code pénal soumis au débat répondra à ces questions et comblera les lacunes ou plutôt reproduira et approfondira les mêmes problématiques.
Enfin, M. Haddad a soulevé de nombreuses problématique sayant trait à l’avant-projet du code pénal, qui ne saurait être exempt de lacunes et de défauts, car il est encore au stade d’un avant-projet de loi qui nécessite des correctifs, et par conséquent la contribution des Marocains toutes tendances politiques, civiles et des droits de l’Homme confondues.
Pour sa part, M. Mohamed Al-Aâraj,Président du Groupe Haraki à la Chambre des Représentants, a affirmé que le Groupe Haraki a accueilli positivement la publication à ce stade de l’avant-projet du code pénal et ce, en ligne avec les profondes transformations qu’a connues le Maroc dans le domaine des droits et des libertés.
Le Président du Groupe Haraki à la Chambre des Représentants a ajouté que l’avant-projet du code pénal a tenté de traiter certaines problématiques qui étaient soulevées dans le cadre du code pénal depuis 1962, notamment celles relatives aux crimes transfrontaliers, et plus particulièrement l’extrémisme, le terrorisme et le blanchiment d’argent, indiquant que l’avant-projet du code pénal a élargi l’assiette des peines pour restreindre le ralliement des groupes terroristes et a élargi les actes récriminés attentant à la religion islamique et aux constantes du Royaume à travers des dispositions répressives explicites portant sur la criminalisation des actes attentant auxsacralités, le trafic de migrants et le trafic d’organes humains. L’avant-projet du code pénal a également élargi le champsdespeinesrelatives aux crimes transfrontaliers.
Al-Aâraja ajouté que l’avant-projet du code pénal a défini de manière précise le crime du harcèlement sexuel ainsi que ses formes, soulignant que le Groupe Haraki à la Chambre des Représentant sa relevé que cet avant-projet de loi a défini, dans le domaine des droits et des libertés, un ensemble de concepts, y compris la violence lors des compétitions et manifestations sportives.
Al-Aâraj a souligné que le Groupe Haraki à la Chambre des Représentants a noté plusieurs points positifs ayant trait à cet avant-projet du code pénal au niveau de la méthodologie et de la forme, ainsi qu’au niveau de certaines dispositions, notamment celles relatives à l’abstention illégale d’exécuter les jugements.
Il a également indiqué que l’avant-projet du code pénal a élargi le champ de la médiation et restreint certains droits afin d’éviter les problématiques engendrées par la menace de la liberté à travers la détention provisoire, soulignant que le Groupe Haraki à la Chambre des Représentants considère l’avant-projet du code pénal constitue « un saut qualitatif » parce qu’il a mis fin à une polémique qui a entaché des concepts des droits de l’Homme, tels les libertés individuelles et la liberté de conscience, outre le fait qu’il a impulsé une dynamique au sein du système pénal, tant au niveau du régimes des sanctions qu’au niveau du régime de criminalisation.
Al-Aâraj a indiqué, par ailleurs, que le Groupe Haraki à la Chambre des Représentants a relevé cependant que l’avant-projet du code pénal n’a pas répondu à certaines problématiques, telles le maintien de la peine de mort en relation avec les dispositions de la Constitution qui consacrent le droit à la vie, et qu’il a également noté des lacunes résidant notamment dans la confusion marquant la conception de certaines dispositions relatives aux peines, telles l’amende journalière qui ne s’adapte pas avec les conditions sociales de nombreux citoyens, la problématique du droit à l’information et le concept de loyauté à l’Etat jugé vague et incompréhensible.
Al-Aâraj a indiqué qu’il y a beaucoup de problématiques qui nécessitent un débat approfondi,telles le crime de sédition, la menace de violence, la maltraitance des fonctionnaires ou des représentants de l’autorité, etc.
De son côté, le ministre de la Justice et des Libertés, M. Mustapha Ramid, a souligné que les amendements que referme l’avant-projet du code pénal contribueront à la modernisation du système judiciaire, consacrera les droits et libertés et garantira un procès équitable conformément aux contenus des discours royaux, aux dispositions de la Constitution de 2011 et aux recommandations de la Charte nationale sur la réforme du système judiciaire.
Ramid a indiqué que cet avant-projet de loi a œuvré à adapter la législation nationale avec les législations internationales relatives aux droits humains et à accompagner l’évolution de la criminalité et ce, en stipulant la création de nouveaux mécanismes juridiques pour y faire face.
Par ailleurs, M. Ramid a estimé que l’avant-projet du code pénal est « avant-gardiste », présentant ses principales orientations, consistant en l’adoption d’un équilibre entre les droits et les libertés,la garantie du droit à un procès équitable, l’adaptation des mécanismes de la justice pénale avec les développements de la criminalité à travers l’adoption de nouveaux mécanismes en matière de d’enquête utilisant les technologies modernes en matière de lutte contre le crime et pour traquer les criminels,le renforcement de la confiance dans les procès-verbaux dressés par la police judiciaire grâce à la prise de mesures préventives, le mise en place de solutions alternatives aux procédures judiciaires de règlement des différends s’agissant de délits mineurs avant le recours à la justice, ce qui contribuera à résoudre le problème de l’inflation du nombre des affaires traitées par les tribunaux, tout en maîtrisant le pouvoir discrétionnaire du juge en relation avec la détention provisoire et le non recours à ce genre de détention qu’en l’absence d’une alternative, avec la réduction de la durée de cette détention et des cas autorisant sa prolongation.
Le ministre de la Justice et des Libertés regretté que le débat sur l’avant-projet du code pénal a été parfois dominé par un débat idéologique en l’absence d’un débat juridique ou pénal, critiquant certains professeurs d’université qui se sont immiscés dans la discussion de cet avant-projet de loi dans sa quintessence pénale sans être des spécialistes en droit pénal.
Ramid s’est arrêté sur certains articles qui ont suscité la polémique,notamment celui qui criminalise quiconque diffame Dieu,les prophètes et les messagers, et qui a été introduit pour la première fois dans le code pénal, affirmant à cet égard « il n’est pas logique de revendiquer de l’Occident de punir qui conque injurie ou diffame Dieu et le Prophète, alors que nous ne disposons pas d’un seul article qui criminalise cet acte dans notre pays ». Il a indiqué que l’incrimination des injures couvre tous les religions, prophètes et messages, sans exception.
D’autre part, M. Ramid a indiqué qu’il impossible d’abroger la criminalisation de la rupture en public du jeûne du Ramadan, afin de ne pas s’empêtrer dans la sédition au cas où celui qui a rompu publiquement le jeûne du Ramadan ait fait l’objet d’une agression, d’autant plusque l’exercice de cet acte de manière publique et provocante attente à la société, précisant que la criminalisation de cet acte constitue un moyen pour protéger celui qui a rompu publiquement le jeûne du Ramadan afin qu’il n’entre pas en conflit avec la société.
Ramid a conclu en soulignant que l’avant-projet du code pénal objet du débat demeure juste un projet et qu’il constitue juste un effort qui a besoin d’être précisé et développé, appelant les différents acteurs à poursuivre le débat autour de cet avant-projet de loi dans la perspective d’aboutir à un texte final.
Pour sa part, le Secrétaire général du Conseil national des droits de l’Homme,M. Mohamed Sebbar, a fortement défendu l’abolition de la peine de mort,avançant comme argumentaire pour étayer son plaidoyer les circonstances atténuantes dont bénéficie le mari ou l’épouse au cas où l’un d’eux aurait tué l’autre à cause de son infidélité, malgré le fait que l’adultère constitue un délit alors que l’assassinat constitue un crime.
Sebbar a critiqué, par ailleurs,plusieurs articles de l’avant-projet du code pénal, affirmant que ces articles reflètent une grave régression, notamment en ce qui concerne la liberté de conscience. Evoquant la criminalisation du mépris des religions dans l’avant-projet du code pénal, M. Sebbar a affirmé que « Dieu n’a pas besoin de nous pour le défendre », s’interrogeant pourquoi l’avant-projet du code pénal criminalise la déstabilisation de la croyance d’un musulman et ne le fait pas dans le cas de la déstabilisation de la croyance d’un juif, ajoutant « il ne faudrait pas attenter à toute religion divine ou pas et pas seulement à la croyance de musulmans, parce cela constituerait un mépris des religions ».
En ce qui concerne la criminalisation de la rupture en public du jeûne du Ramadan, M. Sebbar a affirmé que les cas de rupture publique du jeûne du Ramadan différés devant les tribunaux du Maroc sont peu nombreux, indiquant, par exemple, que seule une affaire a été examinée devant le tribunal de Rabat en 20 ans.
Sebbar a souligné que « la criminalisation de la rupture publique du jeûne du Ramadan embarrasse le Maroc dans les forums internationaux, parce que l’Occident ne comprend pas la violation de la liberté de conscience », indiquant que celui qui rompt publiquement le jeûne du Ramadan est contré par les Marocains et la police intervient pour le protéger.
Dans son intervention,M. Abdelilah Benkirane,le Chef du gouvernement, a salué l’initiative du parti du Mouvement Populaire d’organiser un séminaire sur l’avant-projet du code pénal. M. Benkirane a rappelé à cette occasion les liens qui unissent le Mouvement Populaire et le Parti de la Justice et du Développement depuis l’époque de feu Abdelkrim Al-Khatib.
Par ailleurs, M. Benkirane a critiqué vivement la position de M. Mohamed Sebbar, Secrétaire général du Conseil national des droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne l’opposition de ce dernier au caractère indulgent de l’avant-projet du code pénal à l’égard des « crimes d’honneur ».
Une joute verbale s’en est suivie entre les deux parties à propos des circonstances atténuantes prévues à la faveur des auteurs des crimes d’honneur, en particulier ceux liés à l’adultère ou en cas de tentative d’assassinat de l’un des conjoints surpris, ce qui a poussé M. Benkirane à interpeler M. Sebbar « accepteras-tu de découvrir un homme étrange sur le lit de ton épouse ? » ; interpellation à laquelle a rétorqué M. Sebbar en disant « au lieu de tuer l’amant de ma femme, je vais m’adresser au parquet général ».
Le Chef du gouvernement s’est également attaqué au Secrétaire général du Conseil national des droits de l’Homme en raison de sa position à l’égard de la peine de mort, en l’apostrophant « vous avez une idéologie un référentiel qui guident votre travail et vous ne prenez pas en considération la société ».
Par ailleurs, M. Mohamed Serghini, membre du Bureau politique du Mouvement Populaire, qui a assuré la modération des travaux de ce séminaire, a affirmé que le Mouvement Populaire accompagne tous les chantiers engagés par le Maroc, indiquant que cela n’est pas étranger au parti qui est un acteur principal en matière d’entrée du Maroc à l’ère des libertés publiques et du pluralisme politique avec la publication du dahir des libertés publiques depuis plus d’un demi-siècle.
Serghini a également rappelé que le Mouvement Populaire a contribué à la discussion des différentes questions qui préoccupent l’opinion publique, exprimant l’espoir que les participants à ce séminaire pourraient relever les avantages et les inconvénients de l’avant-projet du code pénal et ce,dans la perspective de l’élaboration d’une série de concepts, de suggestions et de recommandations qui permettraient d’enrichir ce projet structurant.