Aliae Riffi
M. Driss Sentissi, Président du Groupe Haraki à la Chambre des Représentants, a appelé le gouvernement à s’ouvrir sur les propositions des professionnels et de toutes les composantes du paysage médiatique afin de garantir la mise en place d’un Conseil national de la presse fort, indépendant et démocratique, qui soit un véritable levier de la presse et non un nouveau fardeau sur elle, affirmant « ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce sont des médias professionnels, libres, indépendants et responsables, soumis à une régulation démocratique, et non à un encadrement administratif ou à une tutelle institutionnelle ; un conseil national qui soit un espace de gouvernance professionnelle, et non un simple organe d’entérinement et de contrôle et une véritable porte d’entrée vers une réforme globale du secteur, tenant compte des problématiques structurelles dont souffre ce secteur, notamment la vulnérabilité des conditions sociales et économiques des journalistes, la faiblesse des garanties professionnelles, le déclin de la liberté de la presse, l’autocensure et les défis liés à la déontologie ».
Dans son intervention lors d’une séance plénière législative consacrée à la discussion du projet de loi n° 026.25 relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse, tenue le mardi 22 juillet 2025 à la Chambre des Représentants, M. Sentissi a précisé que la gestion du champ médiatique ne peut se hisser au niveau souhaité sans un élément humain qualifié, jouissant pleinement de l’ensemble de ses droits administratifs et sociaux et renforçant le rôle de la presse nationale en tant que quatrième pouvoir régi par un code déontologique, dans le cadre de l’indépendance et de la responsabilité.
M. Sentissi s’est dit étonné de l’empressement avec lequel le projet de loi a été adopté dans cette institution et ce, malgré son importance, sa portée et la controverse qui l’accompagne, affirmant que cela n’est pas conforme avec la nécessité de consolider la sécurité législative et juridique, ni avec le contenu du Message Royal adressé à la famille de la presse et des médias en 2002, dans lequel Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait souligné le rôle de la presse dans l’édifice démocratique du Royaume et la consécration de la liberté d’expression comme moyen de promotion et de développement d’un journalisme de qualité. M. Sentissi a ajouté que cet empressement n’est pas conforme également avec les dispositions de la Constitution, le rapport sur le nouveau modèle de développement et les engagements volontaires du Royaume du Maroc à l’égard des mécanismes internationaux relatifs à la protection des droits de l’Homme.
Par ailleurs, le Président du Groupe Haraki à la Chambre des Représentants a noté que ce projet de loi, dans sa version actuelle, soulève plusieurs observations, à savoir notamment l’absence d’une approche participative dans son élaboration, puisque les acteurs du secteur, y compris les professionnels, les organisations professionnelles et les organisations de la société civile concernées par la liberté de la presse, n’ont pas été suffisamment impliqués, ce qui contrevient aux les exigences les plus fondamentales de la démocratie participative, affaiblit la légitimité de ce texte et le vide de sa profondeur professionnelle et démocratique.
D’autre part, M. Sentissi a exprimé sa préoccupation par rapport à la tendance vers la consécration de la logique de la désignation et la réduction des attributions du corps des journalistes dans le choix de ses représentants au sein du Conseil, ce qui porterait atteinte à son indépendance et le placerait sous l’influence du pouvoir exécutif, enregistrant également une régression par rapport au choix démocratique et à la dimension régionale dans l’élection des membres du Conseil, suite à l’abolition du système électoral unifié qui reflétait le principe de représentation, aussi bien pour la catégorie des journalistes et que pour celle des éditeurs, alors que le gouvernement s’est vu confier le contrôle de la Commission de supervision des élections à travers la désignation du tiers de ses membres.
M. Sentissi a estimé que ce projet de loi introduit également un nouveau critère de la représentation des éditeurs, basé sur le chiffre d’affaires plutôt que sur le lectorat, le suivi et l’audience pour les journaux électroniques, ou sur le nombre des salariés, ce qui renforcerait l’hégémonie des grandes entreprises au détriment des petites et moyennes entreprises de presse.
M. Sentissi a poursuivi « nous attendions que ce projet de loi apporte des réponses à de véritables dysfonctionnements qui ont caractérisé la gestion de la période transitoire après la fin du mandat du précédent Conseil, et qu’il jette les bases d’une véritable réforme prenant en compte les principes de transparence, de démocratie, d’indépendance et de pluralisme ».
M. Sentissi a conclu son intervention en mettant l’accent sur la nécessité de réformer le Conseil national de la presse, tout en rejetant l’idée que cette réforme serve de prétexte à un renforcement d’une main mise et d’un dirigisme politiques dans un secteur qui doit rester indépendant et libre, notant « nous sommes face à un texte législatif qui reproduit les mêmes problématiques, voire renforce le niveau de la tutelle gouvernementale sur un secteur censé s’autoréguler ».