M. Ameskane : Il est temps pour le parti du Mouvement Populaire d’être l’alternative
Il faudrait repenser la programmation du « logiciel » du parti de manière à être en adéquation avec la conjoncture actuelle et ses exigences
Interview réalisée par Saliha Boujraf
M. Essaïd Ameskane, Président du Conseil national du parti du Mouvement Populaire, a qualifié l’échéance du 14ème Congrès national du parti, devant se tenir au plus tard en septembre prochain, d’« essentielle » et « cruciale » dans le parcours du parti, car les militants et militantes harakis y traduiront librement leurs convictions dans le choix d’une nouvelle direction de leur parti.
Dans une interview exclusive, M. Ameskane a affirmé « il est temps pour le parti du Mouvement Populaire d’être l’alternative, d’autant plus que nous avons essayé, depuis l’indépendance et jusqu’à aujourd’hui, les différents courants. Alors, qu’est-ce qui empêcherait que le Mouvement Populaire saisisse sa chance et soit l’alternative ».
Le sage des militantes et militants harakis a ajouté que l’atteinte de cet objectif est tributaire d’un travail collectif et uni, avec dignité et honneur, et de la précision des positions, car nous ne manquons de rien et nous n’avons qu’à être à la hauteur des défis de l’étape actuelle et de reconsidérer la programmation du « logiciel » du parti du Mouvement Populaire de manière à être en adéquation avec la conjoncture actuelle et ses exigences.
Le dirigeant haraki a également évoqué la session ordinaire du Conseil national qui se tiendra le samedi 26 mars à Salé, de l’état des lieux de la maison harakie et des préparatifs du 14ème Congrès national du parti.
M. Ameskane a fait également des révélations en relation notamment avec le successeur de M. Laenser à la tête du Secrétariat général du parti et d’autres sujets, que nous découvrons dans l’interview suivante :
Quels messages portera la prochaine session ordinaire du Conseil national du parti du Mouvement Populaire ?
Elle sera certainement porteuse de nombreux messages, puisqu’il s’agit de la dernière session ordinaire du Conseil national du parti du Mouvement Populaire qui se tient avant son 14ème Congrès national.
C’est une session importante, car il en émanera des recommandations relatives à la nomination du comité préparatoire du Congrès national, qui devra prendre en considération le critère de la représentativité régionale.
Certes, la session devait avoir lieu en janvier dernier, mais en raison des conditions sanitaires dues aux répercussions de la pandémie « Covid-19 », le Bureau politique du Mouvement Populaire avait décidé de reporter sa tenue et ce, afin de gagner plus de temps et accorder l’opportunité aux provinces qui n’ont pas tenu leurs congrès provinciaux pour les tenir et renouveler leurs structures.
Le report de la session a été dicté également par le souci d’attendre que la situation épidémiologique s’améliore pour pouvoir tenir cette session en présentiel et permettre à tous les membres du Conseil national de débattre et d’enrichir la vision harakie dans la perspective de la préparation du Congrès national, d’autant plus que l’échéance du prochain Congrès national, devant se tenir au plus tard en septembre prochain, ne sera pas comme les précédentes sessions du Congrès national, car elle sera une échéance essentielle et cruciale dans le parcours du parti, durant laquelle les militants et militantes harakis traduiront librement leurs convictions en choisissant une nouvelle direction qui consacrera la démocratie interne et ouvrera à améliorer l’action de leur parti à la lumière des attentes et des défis de l’étape actuelle.
La conjoncture actuelle requiert d’œuvrer au renouvellement des méthodes et des mécanismes de travail, de répondre continuellement aux demandes des citoyens et d’être à proximité d’eux et d’interagir avec les événements et les développements que connaît la société en ligne avec les évolutions mondiales.
Je crois que les militants et militantes harakis sont tenus de d’emprunter cette voie, car il est temps pour le Mouvement Populaire d’être l’alternative.
Le mouvement populaire peut-il être un jour l’alternative ?
Bien sûr. De par mon expérience de plus de 40 ans, durant laquelle j’ai été témoin de nombreuses échéances, il est légitime de s’interroger pourquoi pas ? d’autant plus que nous avons essayé, depuis l’indépendance et jusqu’à aujourd’hui, les différents courants, à commencer par le courant indépendantiste et arrivant à l’islamiste, en passant par le socialiste. Qu’est-ce qui empêcherait alors le Mouvement Populaire d’être l’alternative.
Mais dans la plupart des échéances, le Mouvement Populaire avait participé au gouvernement, sauf durant de rares échéances où il était dans l’opposition ?
C’est vrai. Nous étions présents, mais nous ne dirigions pas le gouvernement, mais nous en faisions partie. Dans certains cas, nous n’étions qu’une partie complémentaire.
Nous avons accepté cela car nous placions l’intérêt de la nation en premier. Mais, aujourd’hui, nous devons travailler pour être l’alternative. Cela reste tributaire de mener un travail, avec dignité et honneur, et de préciser nos positions, d’autant plus que rien ne nous manque. Nous devons juste reconsidérer la programmation du « logiciel » du parti du Mouvement Populaire de manière à être en adéquation avec la conjoncture actuelle et ses exigences.
Mais le Mouvement Populaire a souvent été critiqué par le fait qu’il ne disposait pas de compétences ?
Qui a dit cela ? Certes, nos compétences quittent le parti parce qu’elles sont à la recherche de leurs intérêts, vu que les militants du Mouvement Populaire sont exclus, malheureusement, de leur droit d’être nommés aux hautes fonctions et de leur droit d’être nommés comme des ambassadeurs et autres. Ce qui fait qu’on trouvera que les compétences du Mouvement Populaire meublent souvent les partis qui jouissent de ces privilèges, et c’est leur droit.
Vous avez dit qu’il faudrait reconsidérer la programmation du « Logiciel » du parti du Mouvement Populaire de manière à être en adéquation avec la situation actuelle et ses exigences. Cela signifie-t-il que le Mouvement Populaire va abandonner la défense du monde rural et de la langue amazighe ?
Le Mouvement Populaire, qui est issu des villages et des montagnes et a défendu la langue amazighe à l’époque où il était même interdit de parler cette langue, ne saura abandonner la défense du monde rural et de la langue amazighe. Aujourd’hui, grâce à Dieu, la langue amazighe est désormais une langue officielle du pays, aux côtés de l’arabe et du hassani, et cela nous rend fiers de ce que nous avons accompli au sein du Mouvement Populaire.
Je veux plutôt dire qu’il faudrait œuvrer à la construction de la structure intellectuelle et organisationnelle du Mouvement Populaire, y compris la question du repositionnement, et répondre à la question de ce devrait offrir le parti aux citoyens et citoyennes.
Quel crédit devrait-on accorder aux rumeurs relayées concernant un consensus sur le Dr. Mohamed El Aâraj pour présider le comité préparatoire du prochain congrès national ?
Il n’a pas de consensus sur une personne. Dr. Mohamed El Aâraj est une compétence avérée, un juriste et un politique chevronné. Mais, il n’y pas eu de consensus sur sa personne.
De plus, nous ne sommes pas au fait de ses ambitions. Il se peut qu’il aspire à briguer la présidence du Secrétariat général. S’il fait l’objet d’un consensus pour présider le comité préparatoire du prochain congrès national, cela veut dire qu’on l’exclura de l’exercice de son droit de se porter candidat à la présidence du Secrétariat général. Cette information n’est pas vraie, car le Comité préparatoire du prochain Congrès national émanera des recommandations du Conseil national, qui se tiendra le samedi 26 mars courant à Salé.
Que se passe-t-il au sein de la maison harakie, d’autant plus qu’on entend parler de conflits sur qui succèdera à M. Laenser à la tête du Secrétariat général du parti. Certains parleraient même de l’émergence de courants ?
La maison harakie va bien. A l’instar des autres partis nationaux qui préparent leurs congrès, le Mouvement Populaire prépare son 14ème congrès national en organisant au préalable ses congrès provinciaux. Certes, dans certaines provinces, nous rencontrons des problèmes. Mais malgré cela, le Mouvement Populaire n’est pas différent des autres partis nationaux. Des départs saisonniers peuvent survenir, comme c’est le cas dans d’autres partis. Il peut y avoir une divergence d’opinions, mais cela ne signifie pas que la maison harakie ne va pas bien, car les choses se passent plutôt normalement. Il est normal qu’il y ait concurrence et divergence d’opinions, comme il est normal que tout militant haraki qui se considère qualifié ait l’ambition d’accéder à la présidence du Secrétariat général du parti.
M. Laenser restera-t-il à la tête du Secrétariat général du parti ?
Non, il ne restera pas Secrétaire général du parti et il ne se portera pas candidat au secrétariat général du Mouvement Populaire.
Certains disent que la présidence d’honneur qui a été accordée à feu Mahjoubi Aherdane sera réactivée et que M. Laenser sera le président du parti ?
Non, ce n’est pas vrai. Nous avions une présidence d’honneur qui a été dictée par les conditions de fusion de trois partis en un seul parti. Maintenant, je ne pense pas qu’il y ait de place pour cela. Ni les lois ni la logique ne le permettent, sinon il y aura contournement de la loi.
Qui est le successeur de M. Laenser ?
Comment puis-je savoir (en souriant ) ? Je ne suis pas un mage, pour deviner qui succèdera à M. Laenser et dire qui sera le prochain Secrétaire général. Mais ce que l’on peut dire, c’est que se porter candidat au Secrétariat général du Mouvement Populaire est un droit légitime pour quiconque qui se considère qualifié. Bien évidemment, il devrait avoir une base de militants sur laquelle il peut compter. Le congrès sera maître de ses décisions et que le meilleur gagne.
Certains sont attachés au retour de M. Laenser à la tête du Secrétariat général du parti, de crainte de la scission ou de la fracture du Mouvement Populaire après lui. Qu’en est-il vraiment ?
Il y a peut-être des personnes qui estiment cela, d’autant plus que M. Laenser a pu préserver l’équilibre du parti durant 36 ans, et ce n’est pas une affaire aisée. Mais du fait que j’ai vécu avec lui pendant 40 ans, il est un homme d’Etat par excellence, un homme équilibré qui sait gérer les divergences et les différends et qui a pu préserver la cohésion du parti du Mouvement Populaire. Mais, cette politique est-elle encore nécessaire ? et la conjoncture actuelle nécessite-t-elle encore la gestion des affaires politiques par consensus uniquement ou le contraire ? De ce fait, le leader attendu devrait jouer un nouveau rôle en termes d’amélioration de la démocratie, afin de conduire le parti du Mouvement Populaire pour être l’alternative, car il n’y a pas de démocratie sans partis politiques forts.
Même si nous nous sommes trompés en choisissant qui dirigera le Mouvement Populaire, qu’est-ce qui nous empêchera de le changer ? Ce qui est important, c’est que nous ayons les mécanismes d’action pour réussir et que nous soyons unis.
Qu’en est-il du prochain Secrétaire général, doit-il être amazigh ?
(Souriant) Y a-t-il des Marocains qui ne sont pas amazighes, même s’ils ne parlent pas la langue amazighe ? En tout cas, le Mouvement Populaire est un parti national à l’instar des autres partis nationaux. Aucune ethnie n’y est privilégiée par rapport à une autre.
Certes, les premiers fondateurs sont issus des villages et des montagnes et vu sa défense de la langue amazighe, le parti du Mouvement Populaire a été dénommé, à une époque donnée, le « Parti des Amazighs », mais il demeure un parti national et aucune ethnie n’y est privilégiée par rapport à une autre, car tous les Marocains sont égaux. Grâce à Dieu, le Maroc est riche par la diversité de ses affluents linguistiques et culturels, arabe, amazigh, hassani, andalou, africain et autres.
Serez-vous présent dans les structures du parti après le prochain congrès national ?
Non. J’ai consacré plus de 40 ans à l’exercice de l’action politique au sein des structures du parti du Mouvement Populaire. Il est temps, maintenant, pour nous d’ouvrir la voie à ceux qui ont plus de capacités et d’interactivité pour répondre à la nature et aux exigences de l’étape actuelle. A chaque étape ses propres leaders.
J’ai assez usé de mes droits. Je n’oublierai jamais l’étape où j’ai été élu à l’unanimité comme président du Conseil national du parti du Mouvement Populaire
Je n’oublierai pas non plus de nombreuses autres échéances, dont notamment ma nomination au poste de ministre des Transports alors que je suis issu d’une région éloignée, ainsi que mon exercice de nombreuses fonctions.
Quel message pouvez-vous adresser aux militantes et militants harakis à la veille d’une échéance décisive dans le parcours de leur parti ?
La chose essentielle sur laquelle j’insiste toujours est qu’ils placent toujours l’intérêt de la nation devant leurs yeux, en particulier à la lumière du paysage politique et de la conjoncture nationale et mondiale actuels.
Pour que nous soyons effectivement présents et que nous fassions entendre notre voix, nous devons être unis et renforcer la construction de notre parti, en menant une action collective et organisée pour assurer la pérennité du parti et pour qu’il joue son rôle d’encadrement et de formation, tout en veillant à apporter des solutions innovantes et à répondre aux préoccupations et demandes urgentes de l’étape actuelle et ce, au service de l’intérêt de la nation et de la défense des causes des citoyens et citoyennes, et dans la perspective de relever les défis démocratiques et de développement du Royaume.