M. Mohamed Ouzzine *
Il était une fois, dans un passé lointain et dans les plus lointaines des contrées, des déserts et des vallées, une bande de trois hommes. Deux d’entre eux obéissent et suivent les ordres de leur chef dans les petites comme dans les grandes affaires. Ils ont cédé au sourire du temps perfide et ont dominé, dévoré et fait des ravages dans la terre, détruisant la faune et la flore ! Mais le destin n’a pas toujours permis que le mensonge et la calomnie perdurent, car la continuité d’une situation est impossible. C’est la volonté du Créateur Miséricordieux et le secret de Ses créatures d depuis l’éternité.
Un jour, le trio décida d’attaquer une caravane de passage et revient avec un butin abondant. Quand vint le moment de partager le butin, leur chef devint encore plus avide et il leur intima qu’il va prendre la moitié du butin et de leur laisser l’autre moitié, ce qui les a mis tous les deux en colère.
Après une bagarre et une dispute, et alors qu’il ne faisait pas attention, leur chef est tombé mort ! Le meurtrier se tourna vers son compagnon et lui cria « C’est moi qui l’a tué, et dont sa part me revient ».
La troisième protagoniste était furieux et ne pouvait pas accepter que son acolyte puisse poignarder leur chef dans la poitrine en réaction à sa grande cupidité, puis le prendre comme exemple et devenir encore plus cupide.
L’histoire s’est achevée par de profondes blessures qui ont été le lot de chacun des deux hommes après une querelle sanglante entre eux, qui a conduit à leur mort, après qu’une répartition équitable du butin ait été impossible, ce qui a été la cause de la mort.
Cette histoire a été consacrée dans un dicton populaire « Ils ne les ont pas vus voler, ils les ont vus partager le butin »
C’était il y a longtemps. Retournons au présent !
Il convient de noter que toute similitude ou ressemblance entre les personnages de l’histoire et la réalité est le produit de l’imagination des lecteurs.
Aujourd’hui, le dicton est utilisé dans le contexte de termes et de concepts qui ont renforcé le lexique politique actuel dans notre pays, avec une charge sémantique qui s’est élargie pour inclure le bipède (humain), après avoir été confinée au champ des quadrupèdes (animaux), tels « Lafrakchi » (voleur de bétail) et « channaq » (spéculateur) et autres.
Ce qui est étonnant c’est que ces concepts ont intégré le lexique politique via les mains, ou peut-être les pieds, des politiciens eux-mêmes après qu’ils aient confondu « spéculation » dans le marché du bétail et dans les rangs des humains, et après que « Tfarqich » (voler du bétail en le tirant par les pattes) n’est plus différent du vol du citoyen sans le moindre effort ni la moindre difficulté, même lorsqu’il est vautré chez lui et ses pieds sur terre ! Le politicien le scrute fixement, s’enrichit à ses dépens, amplifie ses souffrances et détruit ce qui lui reste de capacités, au lieu de plaider ses préoccupations et œuvrer à l’amélioration des ses conditions ; chose pour laquelle il a reçu son mandat.
Le résultat est que la majorité des citoyens ne peuvent pas se permettre d’acheter un kilo de viande rouge pour leurs enfants ; les générations futures à l’ère du plan « Green Génération » et de la ruée vers le gouvernement de la Coupe du monde, durant le mandat duquel le cheptel a disparu des zones rurales et montagneuses et le Souvrain a été contraint d’annuler le rite du sacrifice de l’Aïd Al-Adha, après que le cheptel destiné au sacrifice soit devenu une denrée rare et le Plan Maroc Vert n’est plus qu’une phrase passagère malgré ses coûts financiers et hydriques exorbitants et astronomiques.
Les rapports du Haut-Commissariat au Plan (HCP) avaient déjà pointé de l’index le dysfonctionnement, à savoir une inflation structurelle tri-dimensionnelle : la vulnérabilité de la production, la domination des spéculateurs et la priorité donnée aux exportations. Pour sa part, le gouvernement se cache derrière un autre trio dans ce qui ressemble à une politique de l’autruche : le Covid, l’inflation exogène et la guerre en Ukraine, qui n’en sont pas les véritables causes, mais plutôt les facteurs mettent à nu et révèlent la véritable réalité de ce gouvernement.
L’entêtement du gouvernement a persisté jusqu’à ce qu’un témoin issu de ses propres rangs, en l’occurrence le ministre de l’Industrie et du Commerce, est venu dévoiler des données choquantes sur les intermédiaires et les spéculateurs et sur comment ils ont détourné des milliards de dirhams de subventions et d’exonérations fiscales et douanières sans aucun impact tangible sur les bourses des citoyens.
Par la suite, son président au parti est venu confirmer les chiffres et les exposer de manière exhaustive, avant de recevoir une réponse brusque, quoique poliment enveloppée, d’un allié au sein du parti majoritaire qui lui a rétorqué : vos données ne sont pas précises, vos chiffres sont faux et vos propos sont trompeurs.
Ce qui est étrange c’est qu’ils n’étaient pas d’accord sur les chiffres, mais avaient ignoré le chiffre difficile, qui est l’être humain, comme si l’enjeu n’était pas de corriger la trajectoire et d’ajuster le choix, mais plutôt de mener une bataille des chiffres et de ne pas demander de comptes à ceux qui se sont accaparés le marché et les subventions et ont porté atteinte à la dignité et à la souveraineté.
En fait, tous les chiffres annoncés dans le cadre de cette polémique gouvernementale sont erronés. Le chiffre qui se rapproche de l’information véridique et de la logique dépasse les 10 milliards de dirhams. Cela inclut :
– L’octroi d’un soutien direct à l’importation de 500.000 têtes d’ovins à hauteur de 500 dirhams par tête, soit l’équivalent de 250.000.000 de dirhams.
– Exonération des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée pour les ovins importés .
– Exonération des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée pour les bovins importés .
– Exonération des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée pour les viandes rouges importées.
Sans compter la subvention de 6.000 dirhams accordée à chaque génisse importée, alors que nous importons actuellement du lait en poudre d’Inde. Quel est alors l’intérêt du soutien et de l’exonération des droits de douane et des taxes ? S’il ne s’agit pas seulement de gonfler les comptes et les bourses des entrepreneurs et non des agriculteurs ou des éleveurs.
De nombreux procès sont intentés à des élus communaux qui ont été démis de leurs fonctions ayant été soupçonnés de détournement de subventions allouées à un festival dans une commune rurale enclavée. Un gouvernement qui reconnait ouvertement avoir dilapidé des milliards de dirhams et dont des membres font de la surenchère quant à l’ampleur des énormes sommes d’argent dilapidées, en se servant des poches des citoyens et à leurs dépens, sans que personne ne leur demande des comptes, ni même des excuses.
C’est la consécration d’une nouvelle vague sous le mandat du « gouvernement des compétences » : la reddition des comptes s’applique aux faibles et aux simples citoyens, dont les conditions et les difficultés ne sont pas prises en compte. Quant aux puissants, ils bénéficient des subventions, des exonérations, des soutiens et de la protection de la loi après avoir puisé et s’être servis dans les poches des citoyens.
L’adage dit les malheurs sont de deux types : la malchance qui nous arrive et la chance qui est le lot des autres. Nous fuyons la pluie, mais nous sommes face à la grêle.
Lorsque les pièces de monnaie tombent du ciel, le malchanceux n’a pas de sac. Quand on a le sac, le blé nous fait défaut, et quand on a le blé, le sac nous fait défaut.
La question demeure : est-ce de la malchance ? ou un malheur mortel ! Ou les deux ensemble ! Je vous laisse la réponse.
*(* Secrétaire général du parti du Mouvement Populaire)