Au cours d’une rencontré ayant débattu du thème « Le développement rural et les défis de la rareté de l’eau » :
Des économistes et des politiques soulignent l’incapacité des stratégies classiques adoptées à surmonter les entraves au développement dans leurs deux volets rural et urbain
Saliha Boujraf
Les participants à une rencontre organisée jeudi dernier à Rabat ont souligné qu’en dépit de l’adoption par le Maroc d’une série de mesures pour développer le monde rural, les faits révèlent toutefois que le monde rural souffre encore aujourd’hui de vulnérabilité et de déficit et qu’il est encore à la recherche d’un modèle de développement efficace qui permettrait de le faire sortir de sa situation rétrograde.
Les experts participant à cette rencontre, organisée par la Commission des programmes et de la plateforme politique issue du Comité préparatoire du 14ème Congrès national du parti du Mouvement Populaire, prévu de se tenir les 25 et 26 novembre courant au Complexe sportif Moulay Abdellah à Rabat, et consacrée à la discussion du thème « Le développement rural et les enjeux de la rareté de l’eau », ont évoqué une série d’entraves qui empêchent le monde rural de se joindre à la locomotive du développement durable et inclusif, soulignant que le développement rural ne devrait pas être réduit à la construction d’une école, d’un hôpital ou d’une routes dans des douars ou à la connexion de ces derniers au réseau électrique.
Dr. Mohattane met en exergue les contraintes au développement rural
A cet égard, Dr. Mohamed Mohattane, ancien Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche maritime, chargé du Développement rural, et expert des affaires rurales et du développement durable, a mis en exergue l’intérêt qu’accorde le parti du Mouvement Populaire, depuis sa création, au monde rural et à la question amazighe, ainsi qu’à d’autres questions sociales essentielles, telles l’éducation, la santé et la préservation des ressources, affirmant, dans ce sens, que « le développement du monde rural et la réhabilitation des populations rurales dans leurs droits demeurent parmi les priorités du parti du Mouvement Populaire ».
Dr. Mohattane a relevé, par ailleurs, une série de contraintes qui entravent le développement rural et ce, malgré les nombreux programmes et plans qui ont été lancés, appelant à réfléchir à des solutions plus efficientes et réalistes pour surmonter la marginalisation du monde rural et soulignant que plusieurs problématiques exacerbent la pauvreté des populations des zones rurales et montagneuses, qui s’est aggravée ces dernières années après la succession d’années ayant été marquées par une faible pluviométrie.
L’expert en affaires rurales et président de l’association “Amane” des sources d’Oum Rbiî a cité, dans ce cadre, des chiffres qui révèlent l’achoppement du processus de développement rural en raison de la sécheresse, qui a affecté le stock d’eau, que ce soit dans les villages ou les villes, indiquant que le Royaume devrait atteindre le seuil du stress hydrique avant 2050 et affirmant, à cet égard, « à défaut de pluies, il n’y a ni agriculture ni travail pour les populations du monde rural ».
Dr. Mohattane a noté que cette situation contraint les populations à l’exode à la recherche d’un meilleur endroit, ce qui a contribué à l’expansion des quartiers anarchiques dans les villes et a engendré davantage de problèmes, tels la propagation des bidonvilles, la pollution et la criminalité, citant certains exemples du Moyen Atlas marqué par l’accentuation des mouvements d’exode, entre les zones rurales ou vers les villes, et des forêts vers les lacs et les abords des rivières, comme c’est le cas du lac Aguelmam Azagza et les sources d’Oum Rbiî.
Dr. Mohattane a également évoqué les zones montagneuses qui couvrent le tiers de la superficie du Maroc et constituent « l’arche de Noé » devant sauver le Maroc du stress hydrique. Il a, toutefois, souligné que ces zones souffrent, à leur tour, d’un déficit hydrique, appelant à accorder un intérêt particulier aux habitants des zones montagneuses qui souffrent encore de pauvreté et d’analphabétisme malgré les efforts déployés.
Réfléchir à une stratégie équilibrée pour garantir la souveraineté alimentaire
L’expert en développement durable s’est également arrêté sur les leçons qu’il serait nécessaire de tirer de la guerre russo-ukrainienne, affirmant que les conditions climatiques fluctuantes d’année en année et la guerre russo-ukrainienne ont engendré des fluctuations en matière de garantie de la sécurité alimentaire dans le Royaume, nous obligeant à rechercher d’autres débouchés pour combler le déficit, ce qui coûte bien évidemment des montants exorbitants pour l’importation des denrées alimentaires, telles les céréales, soulignant la nécessité de réfléchir à une stratégie équilibrée qui permettrait de réaliser la sécurité alimentaire et de garantir la souveraineté alimentaire du Maroc.
Dr. Jaouad souligne que la promotion du monde rural est tributaire de l’adoption d’une politique de développement territorial dans le cadre de la régionalisation avancée
D’autre part, l’économiste Dr. Mohamed Jaouad a souligné que la promotion du monde rural est tributaire de l’adoption d’une politique de développement territorial dans le cadre de la régionalisation avancée et ce, à travers une utilisation rationnelle du territoire et une exploitation des potentialités et des capacités afin de réaliser à un développement inclusif, durable et résilient.
Dr. Jaouad a souligné que les stratégies classiques adoptées ont révélé leur incapacité à absorber et à surmonter les contraintes économiques auxquelles sont confrontés les mondes rural et urbain.
L’économiste a poursuivi en affirmant que l’attention accordée au territoire permettrait de développer les ressources propres et de les exploiter de manière rationnelle, favorisant ainsi la réalisation d’un développement économique et social dans les mondes rural et urbain.
Dr. Lekhiel : La rencontre vise à rechercher des alternatives possibles
Pour sa part, Dr. Fatna Lekhiel, coordonnatrice de la Commission des programmes et de la plateforme politique, a souligné que cette rencontre vise à rechercher des alternatives possibles et à prendre des mesures pour garantir la préservation de la dignité des habitants du monde rural, indiquant qu’à à l’heure actuelle, nous sommes plus que jamais appelés à jeter les bases d’une nouvelle politique, moderne et rationnelle, pour sauver le monde rural de la vulnérabilité.
Dr. Lekhiel a souligné, en outre, que le développement rural est tributaire du renouvellement du sang de l’investissement productif, de l’encouragement des entreprises rurales, de l’impulsion d’une nouvelle dynamique à l’agriculture et aux agriculteurs et de la lutte contre disparités entre les populations rurales et urbaines, notant l’importance de la rencontre pour dégager des propositions collectives pouvant constituer la base d’une plateforme politique convaincante, attractive et porteuse d’idées pouvant être traduites en stratégies et incarner le slogan « Le parti du Mouvement Populaire… est l’alternative ».
L’examen des problèmes de la campagne marocaine avec ses zones rurales et montagneuses
Par ailleurs, les autres interventions ont été consacrées à l’examen des problèmes de la campagne marocaine et de ses zones rurales et montagneuses, soulignant que la succession des années de sécheresse, qui ont porté préjudice à la flore et à la faune, ont fait des villages et des montagnes marocaines « un espace de pauvreté, de chômage, d’ignorance, d’analphabétisme et de sous-développement ».
Les intervenants ont souligné que les agriculteurs, surtout les petits d’entre eux, qui dépendent de l’agriculture vivrière, sont désormais incapables de subvenir à leurs besoins quotidiens les plus basiques à défaut d’une planification, d’une volonté et des capacités de nature à réhabiliter le monde rural, ses habitants, son positionnement et sa générosité.