Par Mohamed Ouzzine, Secrétaire général du parti du Mouvement Populaire
Je ne vous cache pas un secret en vous affirmant que j’ai beaucoup hésité avant de commencer à compiler et à structurer les lettres de cette lettre. Cette hésitation se justifie par notre ferme conviction d’éviter de surfer sur la vague et d’exploiter les tragédies et les déceptions des citoyens. Toutefois, nous devons également avoir le courage et l’audace d’assumer pleinement nos responsabilités, tous ensemble, en tant que politiciens de la majorité comme de l’opposition et ce, proportionnellement à l’ampleur de nos responsabilités et à la diversité de nos positions.
Il ne s’agit pas d’une lettre ouverte, mais plutôt d’un cœur ouvert, révélant ses inquiétudes et ses craintes pour une patrie dont nous sommes fiers d’appartenir et d’être nés sur son sol ; une patrie qui nous a été léguée par de vaillants ancêtres qui ont fait de la dignité une condition de vie, de la chevalerie un synonyme d’appartenance, de l’amour un lien d’appartenance et de la monarchie une soupape de sécurité et un symbole d’unité.
Sommes-nous aujourd’hui à la hauteur de l’héritage et du leg et des recommandations de nos ancêtres ?
La responsabilité de gérer les affaires publiques est confiée à celui qui est digne de confiance, c’est-à-dire à celui à qui le peuple a confié la gestion de ces affaires. C’est un jugement ici-bas et une sanction dans l’au-delà pour ceux qui ont pleinement compris le poids de cette mission.
L’honnête est l’opposé du tricheur. Le premier change ses idées pour les aligner avec la réalité, tandis que le second altère la vérité pour l’aligner sur ses idées et, par conséquent, sur ses intérêts.
Vous parlez d’une prétendue harmonie gouvernementale, alors qu’il n’est question que de discorde et de confusion bien connues. La véritable harmonie à rechercher est celle avec le peuple et ses aspirations.
Le véritable contrat n’est pas entre vos trois composantes, mais avec près de 30 millions de citoyens accablés, dont les finances, le panier et les moyens de subsistance ont été décimés par vos politiques improvisées et chaotiques, ce qui a brisé leur dignité et leur fierté alors que vous êtes spectateurs de leur détresse et aggravez leurs meurtrissures par vos décisions improvisées, comme si vous satisfaisiez un caprice ou jouissiez de leur détresse. Vous trouverez certainement de l’exagération, de l’hyperbole et de l’amplification dans cette description, mais c’est la véritable face de la réalité que vous cherchez à ignorer.
C’est le même sentiment et la même description que ressentent les citoyens lorsque vous commencez à énumérer vos réalisations et à présenter des mesures inutiles et inefficaces.
Des chiffres, des indicateurs et des budgets, alors que la situation ne fait qu’empirer durant le mandant du « gouvernement des compétences » ou plus précisément le « gouvernement des récompenses » ! Comme le disait l’écrivain palestinien Mourid Barghouti : « Il y a toujours deux versions de tout ce qui se passe : celle d’une personne honnête et celle du gouvernement ».
Vous avez placé la barre très haut avec vos promesses électoralistes, qui sont sans horizon ni base. Vous avez récolté des voix, réalisé vos espoirs et reçu des félicitations du fait d’une fortune électorale exceptionnelle. Après cela, vos gorges se sont tues, vos voix ont faibli et votre bruit s’est apaisé, cédant la place au silence des tombes et à la léthargie des morts, au point que s’applique à vous la formile d’Ibn Kathir : vivant comme un mort, sauf qu’il est une idole.
Vous avez laissé ceux qui vous avaient confié la gestion de leurs affaires en proie à la flambée des prix, à l’inflation et aux calamités. La nappe phréatique s’est évaporée, les légumes ont été exportées, les viandes se sont enflammées et les têtes de bétail décimées. La fête de l’Aïd Al-Adha a été éclipsée et les droits des victimes du tremblement de terre ont été perdus.
Une décision est annoncée aujourd’hui, et son contraire est prise demain ! Une confusion d’aujourd’hui, et une autre qui lui est semblable demain !
Durant votre mandat, l’enseignement a été paralysé, la santé a eu mal, les services ont été privatisés et les zones rurales se sont soulevées pour revendiquer une piste dans la montagne, un médecin sur les hauts plateaux et un débit de connexion à la toile d’araignées à l’heure du défi du Maroc numérique et du Maroc de la Coupe du monde.
Vous n’avez pas saisi les messages des jeunes ni les gémissements des personnes âgées. Votre obstination et votre entêtement ont persisté. Vos applaudissements et vos acclamations n’ont résonné qu’à la suite de vos déclarations d’intention, et non en reconnaissance vos réalisations à mettre à votre actif.
Vous avez faussement déclaré, à partir de diverses tribunes, que les Marocains étaient heureux et se réjouissaient de vos réalisations, ce qui a suscité la colère des citoyens. La réaction ne s’est faite pas attendre de la part des jeunes de Fnideq qui cherchaient à fuire le pays, de la marche de la joyeuse vallée d’Aït Bouguemez, des montagnes de M’Gouna, et avant de Figuig et d’ailleurs, ainsi que des protestations à l’hôpital de la mort d’Agadir. Votre ministre est allé enfin découvrir que l’hôpital souffrait de déficit, ignorant que la situation est la même dans tous les villages et toutes les villes. Impossible d’y échapper !
Dans une scène dramatique et insolite, un avion surgit de Zagora, transportant un enfant dans un état critique vers la capitale, dans une tentative, malgré la noblesse du geste, qui suscite la pitié envers celui qui a dicté cette mise en scène de mauvaise facture. Les questions ont d’ailleurs fusé : pourquoi cet avion n’est-il pas apparu avant les protestations de l’hôpital de la mort ? et pourquoi son vrombissement ne s’est-il pas fait entendre auparavant ?
Les voix s’élèvent encore et les commentaires se multiplient, le plus percutant étant : « nous n’avons nullement besoin de transporter des enfants par avion de Zagora à l’hôpital Ibn Sina (Souissi) à Rabat, la capitale. Il faut plutôt déplacer l’hôpital « Souissi » vers Zagora, Taounate, Figuig, Tata, Anjil, Taroudant, Arbaoua, Erfoud, Timahdit et vers les autres zones marginalisées. Nous voulons un hôpital « Souissi » dans toutes les provinces du Royaume ».
Une fois de plus, le ministre fait son apparition, prétendant la fermeté face à tout manquement et prenant de nouvelles mesures : la création de comités de terrain ad hoc pour accompagner la réforme de tous les établissements de santé. Ainsi, et après les groupements sanitaires territoriaux, le ministre crée des comités de terrain, puis des comités locaux, puis des comités ad hoc, et ainsi de suite. Dans ce labyrinthe de comités, la santé se perd, la maladie triomphe et le citoyen en paie le prix. Bien évidemment, non pas de sa poche, mais de sa vie.
Depuis Meknès, le ministre surgit avec une vigueur renouvelée pour nous annoncer, dans les derniers souffles de son mandat, qu’il engagera des réformes, remédiera d’urgence au déficit dont souffre les urgences, accordera une attention particulière à toutes les unités de soins intensifs, mettre en place des lits pour que les médecins et les cadres des hôpitaux veillent convenablement sur la santé des citoyens et fournira des seringues pour que les patients ne se plaignent plus de l’insuffisance de leurs piqûres, de la péremption de leurs solutions liquides ou du décès de leurs utilisateurs.
Les paradoxes se poursuivent sous le mandat du gouvernement des marchés. Dans une scène surréaliste, un député parlementaire surgit, prétendant organiser un sit-in dans un hôpital au prétexte des pénuries, du déficit et de la souffrance des patients. En réalité, il a raté sa cible, car il est au premier rang de ceux qui acclament et applaudissent les estimés ministres de sa majorité. Malheur à quiconque ose attirer l’attention sur les manquements lorsqu’il s’agit d’interpeller leurs Excellences ou de contrôler leur travail.
Aujourd’hui, avec toutes les scènes dont nous sommes témoins, sons et images, relatant l’échec désastreux de l’alliance tripartite sur les plans de la vision, de la créativité et de la gestion, j’ai découvert la portée et la profondeur de la citation de Voltaire : « il est dangereux d’avoir raison lorsque le gouvernement a tort ».
Le gouvernement, comme quelqu’un l’avait affirmé un jour, « n’est pas une autorité sur le peuple, mais une autorité au service du peuple. Par conséquent, le degré de succès d’un gouvernement se mesure à la satisfaction de ses usagers ».
Le crime organisé a souvent été considéré comme l’un des malheurs des peuples. Aujourd’hui, le gouvernement désorganisé constitue désormais leur plus grand malheur.
Il n’est pas honteux que le gouvernement échoue, avec son trio et la « dream team » qu’il a si souvent vantée à ses débuts et qui a anéanti tous les espoirs des Marocains. Mais, il est honteux qu’il soit si fier de son péché et qu’il poursuit sa politique de l’autruche, persistant dans l’esquive et le déni et ignorant que s’excuser est le propre des grands !
Les générations se souviendront, et l’histoire témoignera, que sous le mandat du trio, l’équilibre a basculé et que, à cause de sa gestion, la roue de l’agriculture s’est enrayée. Sous son autorité, les rêves des Marocains ont été brisés et se sont évaporés, et leurs droits constitutionnels sont devenus des chantiers éphémères, des occasions de légitimer l’opportunisme et de servir les proches, les flagorneurs et ceux qui tiennent les flûtes de la justification de l’échec.
Certes, les rênes de la gestion vous ont été accordés, mais avant cela, vous auriez dû apprendre à assumer vos responsabilités.
Les faibles se laissent contrôler par les circonstances, tandis que les forts insistent pour assumer la responsabilité de se gouverner eux-mêmes malgré les circonstances.
En conclusion, et parce que le croyant ne saura être mordu deux fois par le même serpent, j’affirme que le temps est venu de clore la parenthèse de cette étape et de construire un nouvel horizon politique, couronné par un gouvernement digne de l’avenir d’un grand pays comme le Maroc, sous une Direction Royale sage et avec un peuple loyal et patient qui sème toujours des graines porteuses d’espoir.
(*) Une citation du penseur et journaliste satirique égyptien Jalal Amer